Solaire : une industrie aveugle, en quête d'un changement politique en 2012

Si les solutions de sortie de crise pour l'industrie française tournent autour de deux ou trois stratégies - l'internationalisation, l'innovation et la diversification - les entreprises disposent de marges de manœuvre réduites et manquent cruellement de visibilité. La filière a l'oeil rivé sur 2012 et une évolution potentielle de la réglementation au lendemain de l'élection présidentielle.
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Après un premier volet sur les réponses immédiates de l'industrie face à la crise, le deuxième article de notre dossier montre que l'ambition politique est vitale dans un marché qui reste largement subventionné. Une nécessité jusqu'à l'atteinte de la parité réseau, attendue au plus tard dans toute l'Europe d'ici à 2020.

Dans le brouillard
Le malaise est présent sur tous les segments du marché. "Avec l'auto-ajustement à la baisse des tarifs d'achat sur le segment des puissances inférieures à 100 kW, il n'y a pas de visibilité d'un trimestre à l'autre. La conduite d'une entreprise est impossible dans ce cadre", constate Michel Denieul, directeur technique de SNA Solar.
Même discours pour les centrales supérieures à 100 kW, régies par des appels d'offres. Sans parler des faibles volumes. "Je note un décalage entre le discours politique, basé sur une volonté d'endiguer le déferlement de produits asiatiques à bas prix sur le marché français, et le lancement par le gouvernement d'appels d'offres dont le critère prépondérant est... le prix des produits proposés", regrette Thierry Miremont, directeur général de Photowatt. Et d'enfoncer le clou : "Rien n'est fait pour encourager le développement de l'énergie photovoltaïque, tant en France qu'à l'export. Il me semble que l'exemple italien est particulièrement édifiant. L'Italie a intégré dans ses appels d'offres une « prime » pour le made in Europe. Pourquoi la France n'a-t-elle pas eu le courage de faire la même chose ?"

Les prochains mois seront difficiles
"Le moratoire a impacté une bonne partie de notre carnet de commandes. Aujourd'hui, cela se traduit par une sous-utilisation de notre outil de production (12% de 40 MW), ce qui pénalise fortement notre rentabilité et met en péril notre productivité", précise Pascal Janot, le PDG de la société de Loire-Atlantique Systovi. Comme Auversun, elle cherche à atteindre l'équilibre financier en 2012.
Pour les entreprises qui sont en phase de construction de leur outil industriel comme MPO Energy (développement de cellules solaires), la configuration est autre. "La situation post-moratoire a affecté la confiance des institutions financières dans le marché photovoltaïque français, qui sont nécessaires au développement industriel par leurs apports en capitaux ou en financements bancaires", souligne Jean-François Perrin, directeur général de MPO Energy.
Pour Photowatt, le marché est aujourd'hui à l'arrêt et la société n'envisage pas de reprise concrète avant au moins un an. "Cela représente une longue traversée du désert de 20 mois pour une entreprise comme la nôtre", fulmine Thierry Miremont.
L'Etat n'est cependant pas le seul coupable. Le marché mondial est en ébullition : les prix des panneaux sont en chute libre, les aides publiques fondent, les surcapacités guettent et l'industrie asiatique écrase le reste du monde. Tout va très vite et toute erreur stratégique est vite mortelle. La liste des victimes commencent d'ailleurs à s'allonger : aux Etats-Unis, Solyndra, Evergreen et SpectraWatt pour les plus visibles. Et en France, de nombreuses entreprises sont en difficultés : Sun'R, France Panneaux Solaires...

2012 : entre espoir et danger
Dans ce contexte, pour beaucoup d'acteurs, le salut de l'industrie française passe obligatoirement pas une évolution de la politique énergétique en 2012. Les entreprises n'attendent d'ailleurs plus rien de l'administration en place et espèrent un changement après les élections présidentielles. De plus, sur les marchés supérieurs à 250 kW, où un seul appel d'offres est lancé jusqu'à février prochain, la visibilité du marché ne dépasse pas la date de la présidentielle ! D'une manière générale, à partir de mi-2012, les entreprises ne savent pas trop à quelle sauce elles seront mangées...
La gestion du temps devient donc primordiale pour la filière. Même si une alternance politique s'engage au sommet de l'État en avril et juin 2012 (présidentielle et législative), aucune grande décision énergétique ne sera concrètement prise avant l'automne 2012. Avec l'inertie, l'impact réel sur le marché ne se ferait donc pas sentir avant 18 mois...

Une absence totale de visibilité à trois ans
A moyen terme, les industriels du solaire manquent donc cruellement de visibilité. Sur la dizaine de producteurs de modules que nous avons interrogés (*), très peu savent où ils en seront dans trois ans. "Nul ne peut prédire l'évolution du marché des énergies renouvelables en France, le gouvernement étant sans arrêt en train de changer les règles. Qui aurait pu prédire il y a 3 ans les différents coups d'arrêt et le moratoire imposé avec ses conséquences sur les emplois et l'économie ?", observe-t-on chez Fonroche.
Plutôt que de donner une réponse précise sur leur vision à trois ans, les entreprises préfèrent indiquer qu'elles investissent en R&D. Autrement dit, elles préparent l'avenir par l'innovation. C'est le cas d'Auversun, Voltec Solar, Fonroche, MPO Energy (cellules), Systovi, Photowatt, entre autres.

(*) : Cette enquête a été réalisée en août et septembre 2011. Sur la douzaine d'industriels recensés en France, ayant déjà un outil de production en service, neuf ont bien voulu nous répondre : Auversun, Elifrance, Fonroche, MPO Energy, Photowatt, SNA Solar, Solarezo, Systovi, Voltec Solar.

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