Dong, le discret allié du vent venu du Danemark

Inconnu en France, le groupe énergétique danois Dong est très présent dans l'exploration et l'exploitation pétrolière et gazière en mer du Nord. Le partenaire d'EDF dans le consortium qui a raflé la mise dans l'appel d'offres français est aussi le leader mondial de l'éolien offshore.
Parc éolien offshore en mer du Nord / Reuters

C?est tout récemment seulement que Dong Energy a fait son apparition sur les écrans radars français. Plus précisément, à l?occasion de la bataille qui a opposé une poignée de consortiums dans l?appel d?offres destiné à implanter des éoliennes marines au large des côtes françaises. Face à GDF Suez, allié à Vinci et Areva, et à Iberdrola et RES ? également en équipe avec Areva ? EDF énergies nouvelles (EDF EN) est le grand gagnant de cet appel d?offres, dont les résultats ont été annoncés le 6 avril dernier. Il a remporté trois des quatre parcs finalement attribués, mais était le mieux disant sur toutes les zones. Cette performance, il la doit en grande partie à son alliance avec Dong Energy. Le groupe énergétique danois est son co-actionnaire dans éolien Maritime France. Cette société de projet (détenue à 60 % par EDF et 40 % par Dong Energy) prendra des participations dans les parcs construits par le consortium.

EDF n?est pas un néophyte

Avec ses 6 000 salariés et un chiffre d?affaires de 56,8 milliards de couronnes danoises (7,6 milliards d?euros) pour 2011, le danois fait pâle figure en comparaison du géant français eDF et de ses 65,3 milliards d?euros de chiffre d?affaires. Mais son expérience dans l?éolien offshore vaut de l?or. Actionnaire de quelques parcs en Europe, dont Teesside au Royaume-Uni, C-Power en Belgique au large d?Ostende et bientôt navitus Bay au large de l?Île de Wight, EDF en n?est pas tout à fait un néophyte. Mais Dong, qui exploite 30 % des capacités éoliennes en mer, soit 1 GW sur les 3 GW installés en Europe, est le leader mondial du secteur. Il exploite actuellement 12 parcs et affiche 1 300 MW en construction, notamment sur le site de London Array au large de l?estuaire de la tamise, qui pourrait à terme atteindre 1 GW et devenir le plus grand parc au monde. Depuis qu?il a installé sa première éolienne en mer il y a vingt ans, le danois a appris à optimiser son efficacité et l?ensemble de ses coûts, depuis la fabrication des fondations jusqu?aux bateaux utilisés pour la maintenance, en passant par la durée d?installation des machines en mer. Ce retour d?expérience, qui a permis au consortium Dong/EDF de proposer poste par poste des coûts précis en réponse à l?appel d?offres français, est également synonyme de meilleure maîtrise des risques. Comme l?état, les assureurs et les banquiers sont rassurés, et accordent des conditions de financement plus avantageuses. Car les risques sont légion et l?addition peut s?avérer salée. Le moindre pépin implique la mobilisation de personnel qualifié et de navires spécialement dédiés à cet effet dont le coût peut atteindre 125 000 euros par jour de location. Pour ces raisons, dans leur réponse à l?appel d?offres français, GDF Suez et Iberdrola avaient souligné la fiabilité de la machine développée par leur allié, Areva, qui tourne en mer au large de Bremerhaven (Allemagne) depuis 2009, et souligné le retard de celle développée par son concurrent Alstom, encore au stade des tests à terre. Mais les états de service de Dong ont pesé plus lourd dans la balance. EDF en a d?abord fédéré autour d?elle les développeurs ayant étudié les zones concernées par l?appel d?offres, puis choisi la turbine Alstom, avant de se mettre en quête d?un partenaire technique. Outre son expérience inégalée, Dong présentait plusieurs atouts. « Ils ont l?habitude des partenariats, ils en ont établi pour tous leurs projets au Royaume-Uni », précise Béatrice Buffon, directrice du développement de EDF EN.

Un rôle de conseiller technique

Peu habitué en revanche à la position d?actionnaire minoritaire, le groupe danois estime jouer un rôle de « conseiller technique » ; selon un porte-parole, ce partenariat lui offre l?occasion de se familiariser avec le marché français, « sans autre engagement à long terme ». Près de 40 de ses salariés ont travaillé pendant un an dans les équipes d?EDF pour préparer la réponse à l?appel d?offres. Le leadership sera assuré par l?un ou l?autre des partenaires selon les spécificités de chaque parc. « Notre collaboration permet de combiner nos équipes et d?assurer un transfert de compétences, souligne Béatrice Buffon. Nous avons un objectif fort, monter en compétence sur l?offshore, car il y aura d?autres appels d?offres en France, et surtout dans le reste de l?Europe. » Dans l?immédiat, il s?agit de mettre à profit les prochains dix-huit mois de « levée des risques » pour valider la faisabilité technique et la viabilité économique des projets français. Cela passe notamment par une enquête publique. Or, les opposants donnent de la voix depuis la publication des résultats de l?appel d?offres et, au tréport, le seul site où une telle enquête a déjà été menée, l?opposition locale est si forte qu?elle a dissuadé plusieurs candidats. « Le groupe EDF, qui a beaucoup d?expériences de débats publics dans d?autres activités (nucléaire, lignes à haute tension, etc.), sera très impliqué, explique Béatrice Buffon. Ce n?est pas une étape anecdotique, nous nous y préparons, et certains éléments des projets pourront évoluer à la suite de ces débats. » Là encore, l?expérience de Dong en matière de concertation sur des sujets d?environnement ou de pêche pourrait s?avérer essentielle.
À l?origine, Dong Energy s?est bâti sur l?exploration et l?exploitation de pétrole et gaz en mer du nord. Le groupe, détenu par l?état danois à 76 %, a hérité son patronyme (Danish Oil and natural Gaz) d?une des six entreprises qui ont fusionné en 2006 et dont le pétrole et le gaz représentaient l?activité historique depuis sa création en 1972. C?est d?abord sur cette activité, qui a représenté 14 % du chiffre d?affaires de 2011 (contre 6 % pour l?éolien) et 41 % de son résultat, que mise Dong pour faire passer son Ebitda de 8 à 16 milliards de couronnes entre 2009 et 2015. Un objectif qu?il est en bonne voie d?atteindre, avec 13,8 milliards de couronnes (1,85 milliard d?euros) en 2011. Difficile d?évaluer les conséquences du récent départ de son PDG. À la tête du groupe depuis onze ans, Anders Eldrup a été poussé à la démission en mars dernier pour avoir accordé des bonus de rétention à certains cadres.

Objectif : 100 % d?énergie verte en 2040

En 2011, il avait porté les investissements dans l?éolien offshore pour les porter à 10 milliards de couronnes (1,3 milliard d?euros). Une décision dictée par la stratégie « 85/15 ». Adoptée en 2009, elle consiste à passer d?une production issue à 85 % de sources fossiles en 2009 à un mix composé à 85 % de renouvelables en 2040. Le petit royaume du Danemark, déjà très fourni en moulins à vent, mise avant tout sur les vents marins ? et sur la biomasse ? pour atteindre son objectif de 100 % d?énergie verte en 2040. En capitalisant sur ses vingt ans d?expérience et en poursuivant l?industrialisation de l?activité, Dong compte parvenir à diviser les coûts par deux. Ils atteignent aujourd?hui 3,5 millions d?euros le mégawatt contre 1,5 million pour l?éolien terrestre. Ce qui n?empêche pas Dong d?engranger les premiers bénéfices de son activité éolienne offshore grâce aux tarifs de rachat de l?électricité garantis 20 ans. Un bel exemple à suivre pour EDF EN?

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