Sectes : des parlementaires tirent le signal d'alarme

Alors que l'opinion s'émouvait du massacre de 16 membres du Temple solaire, la commission parlementaire sur les sectes, constituée l'été dernier sur proposition de Jacques Guyard (PS Essonne), mettait la dernière main à son rapport. Tout en se défendant d'avoir agi sous la pression de l'actualité, les députés, qui l'ont rendu public hier, insistent sur l'essor pris par ces mouvements depuis le précédent document rédigé par Alain Vivien en 1985. « L'an deux mille n'est pas loin », constate Jacques Guyard, expliquant ainsi l'explosion des mouvements millénaristes, dont le « Nouvel Age » venu des Etats-Unis, courant dominant actuellement, et les pulsions suicidaires des mouvements « apocalyptiques » suscitées par cette fin de millénaire. Mais il faut aussi compter avec les « guérisseurs » , « occultistes » (dont l'ordre du Temple solaire) et autres « psychanalytiques » pratiquant la manipulation mentale dont le fer de lance est l'Eglise de scientologie... S'appuyant notamment sur des informations fournies par les renseignements généraux, l'audition d'associations de défense et d'anciens adeptes, la commission s'alarme de voir le nombre des fidèles croître de façon exponentielle : 160.000 adeptes et 100.000 sympathisants, soit une croissance de 60 % pour les premiers et de 100 % pour les seconds depuis 1982. Surtout, le rapport note que les sectes disposent aujourd'hui de moyens financiers puissants et que le thème de la réussite individuelle souvent invoqué leur vaut une nouvelle clientèle, celle des étudiants, des élites intellectuelles et notamment scientifiques. Désormais, les adeptes sont majoritairement issus des classes moyennes et aisées, avec une proportion non négligeable de médecins, autant dire un public « solvable » pour les gourous. A titre d'exemple, le rapport cite le cas de Méditation transcendantale dont le droit à l'initiation équivaut au quart du salaire mensuel de l'impétrant et le prix d'un cours à 40.000 francs ! Des solutions « pragmatiques » Revendiquant la liberté de culte et l'« indifférence » traditionnellement affichée par l'Etat français à l'égard des religions, le rapport s'attache uniquement à mettre en évidence les déviances criantes constatées dans ces mouvements. A la kyrielle classique des délits relatifs aux atteintes physiques à la personne humaine (mauvais traitements, exercice illégal de la médecine, violences sur mineurs...), violation de certaines obligations familiales (notamment à l'égard des enfants), escroqueries en tout genre, s'ajoutent de nouvelles formes comme la fraude fiscale (importants bénéfices réalisés sous le couvert d'une association à but religieux et non déclarés, comme la branche française de la secte Moon), violation du droit du travail, déstabilisation mentale... Autant de délits dûment réprimés par la loi pour peu qu'elle soit appliquée. « Une législation anti-secte risquerait d'être utilisée un jour dans un esprit de restriction de la liberté de pensée », estiment les députés qui préconisent plutôt une série de solutions « pragmatiques » (voir ci-dessous). Le débat sans vote sur les sectes programmé à l'Assemblée nationale début février devrait leur donner raison. En attendant, la plus pugnace d'entre elles, l'association spirituelle de l'Eglise de scientologie d'Ile-de-France (nouvelle appellation de l'Eglise de scientologie de Paris mise en liquidation judiciaire le 30 novembre 1995) juge « diffamatoire » ce rapport et en appelle au comité de surveillance des accords d'Helsinki ainsi qu'à la commission des Droits de l'homme des nations unies. NOEL TINAZZI
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