L'Alsace, un petit spécialisé dans les « sciences de la vie »

Le coup a été rude... mais imparable. En chetant en mai 1995 Marion Merrell au groupe Dow, l'Allemand Hoechst avait laissé entrevoir une réorganisa- tion mondiale de ses activités. Le laboratoire strasbourgeois de Marion Merrell (180 personnes, dont une centaine de chercheurs) en a fait les frais. Son activité d'études du traitement des maladies du système nerveux sera transférée à Sommerville (Etats-Unis). « Cette décision ne signifie pas que l'Alsace ne plaît plus , s'empresse d'indiquer Monique Jung, chargée de mission à l'Adira, le comité d'expansion bas-rhinois. Il s'agit de mouvements internationaux non liés à des réalités locales. » « Nous saurons trouver d'autres personnes », rassure Jean-Marie Vincent, directeur du département industrie de l'université Louis-Pasteur (ULP) de Strasbourg. Citations flatteuses. L'Alsace dispose, il est vrai, de solides atouts pour préserver l'importance de son pôle des « sciences de la vie », qui couvre des secteurs aussi variés que les biotechnologies, la recherche clinique (avec une notoriété certaine dans les domaines du cancer, du sida, du diabète ou des greffes), ou la protection du vivant (végétal ou animal). Près de deux mille chercheurs (ou en- seignants-chercheurs) y tra- vaillent dans une quarantaine de laboratoires publics ; une centaine d'entreprises (soit sept mille emplois) y sont rattachées. Quant à l'impact moyen de citation des publications sur les « sciences de la vie » dans les revues scientifiques de référence, il est flatteur pour l'Alsace. Les travaux de ses chercheurs sont, en moyenne, 1,6 fois plus cités que les publications mondiales et deux fois plus que les publications nationales ! La force du pôle alsacien repose avant tout sur la compétence de ses hommes, sur la diversité des disciplines présentes qui favorise les interactions, la qualité du tissu d'enseignement et son imbrication avec le monde industriel. L'université Louis-Pasteur de Strasbourg (ULP) en fournit le meilleur exemple. « Les 200 laboratoires de l'ULP sont structu- rés en dix-huit fédérations de recherche pour mieux coller aux nécessités de la recherche, explique Jean-Marie Vincent. Notre université a également choisi de se doter d'un conseil de valori- sation pour que le résultat des recherches puisse être exploité par le monde économique au mieux des intérêts du pays. » Conséquence : vingt-sept sociétés (représentant 425 emplois) sont nées à la suite de recherches avec l'ULP, le CNRS ou l'Inserm depuis 1979, date de la création de Transgène, le fleuron de l'industrie génétique alsacienne. L'histoire de l'Institut généti- que et de biologie moléculaire (IGBMC), inauguré en octobre 1994 sur le parc d'innovation d'Illkirch au sud de Strasbourg, illustre bien l'attrait suscité par la qualité de la recherche fondamentale alsacienne. L'américain Bristol Myers Squibb a accepté de financer 90 % des 200 millions de ce laboratoire de cinq cents personnes (dont 300 chercheurs) en pariant sur les retombées commerciales futures de ses recherches. Un cas d'espèce qui reste toutefois l'exception. Une petite taille handicapante. « L'Alsace manque encore d'industriels pour sa recherche », indique Pierre Chambon, qui déplore « la faiblesse de la recherche privée, en Alsace, qui restera toujours handicapée par sa petite taille. Car les budgets des collectivités locales, qui ont compris tout l'intérêt de soutenir ce type de développe- ment, sont forcément plus limités que ceux de leurs homologues des régions Paca ou Rhône-Alpes. » Il y a là, observe-t-il, un « problème pour l'avenir de la recherche en Alsace, à une époque où elle est de plus en plus dépendante de partenaires privés ou d'associa- tions caritatives ». A moins que l'Alsace ne tire profit de synergies nouvelles avec son voisin allemand qui tente d'acquérir une place clé dans les biotechnologies, comme l'illustre le développement récent du Biotech-Park de Fribourg. Jacques Trentesaux, à Strasbourg
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