La dépénalisation du droit des affaires est sur les rails

Pour favoriser la prise de risque entrepreneuriale, Nicolas Sarkozy avait lancé un pavé dans la mare, lors de l'université d'été du Medef, fin août 2007 : " Il faut dépénaliser le droit des affaires ", avait-il réclamé. Chargé de ce dossier, la garde des Sceaux, Rachida Dati, reçoit cet après-midi, le rapport du groupe de travail présidé par le haut magistrat Jean-Marie Coulon. Elle devrait préciser à cette occasion ce qu'elle entend faire de ce document dense et très technique qui formule 30 propositions, finalement plus équilibrées que ce que redoutaient certains magistrats, vu le caractère controversé du sujet.La plus symbolique est l'assouplissement du régime commun des délais de prescription. Le rapport Coulon veut aussi favoriser le recours à la voie civile en cas de contentieux. Certaines infractions pénales en droit des sociétés, de la concurrence et de la consommation s'avèrent en effet obsolètes ou redondantes avec la justice civile. Le rapport préconise de les remplacer par " l'injonction de faire sous astreinte ", voire de la nullité. Par exemple, omettre de déclarer la répartition des parts dans l'acte de constitution d'une SARL ne serait plus puni de 6 mois de prison et de 9.000 euros.METTRE FIN A UNE INCERTITUDE JURISPRUDENTIELLELe rapport propose aussi de clarifier la responsabilité pénale des personnes morales, généralisée depuis la loi du 9 mars 2004. Et la dépénalisation du droit de la consommation aurait pour contrepartie la création d'une action de groupe, dont le patronat ne voulait pas (voir ci-dessous).Le rapport Coulon propose avant tout d'améliorer la sécurité juridique en droit des affaires. L'une de ses propositions phares est un nouveau droit commun des prescriptions. Pour mettre fin à une incertitude jurisprudentielle, en particulier pour l'abus de biens sociaux (ABS), le point de départ de la prescription ne serait plus la découverte, mais la date de commission des faits. En contrepartie de cette clarification, les délais de prescription seraient allongés. Ils passeraient de 10 à 15 ans pour les crimes. Pour les délits punis d'une peine de trois ans de prison ou plus (ABS, banqueroute, etc.), ils seraient de 7 ans. Les autres délits verraient leur délai de prescription passé à 5 ans. Pour les contraventions, ils resteraient à 1 an.Le groupe de travail n'hésite pas à indiquer que les peines encourues pour certains délits boursiers mériteraient d'être aggravées. La peine de prison pour le délit d'initié passerait ainsi de 2 à 3 ans. Le rapport s'intéresse aussi au cumul entre sanctions pénales et administratives. Pour les faits susceptibles de recevoir la qualification de manquement au règlement de l'Autorité des marchés financiers (AMF) et d'infraction pénale, l'autorité administrative indépendante devra les dénoncer au plus vite au parquet, sans attendre la notification des griefs. L'enquête judiciaire et celle de l'AMF seront menées en parallèle. Toutefois, l'AMF serait tenue de surseoir à l'engagement de sanctions pour attendre la suite judiciaire ou administrative donnée par le parquet. Le rapport envisage de créer une procédure de " transaction " devant l'AMF, réforme souhaitée par le président de l'AMF, Michel Prada. Mais la transaction impliquerait une reconnaissance de culpabilité et une homologation par l'autorité judiciaire. Enfin, le Conseil de la concurrence n'est pas oublié. Il serait amené à sanctionner certains faits qui sont à ce jour des infractions pénales. Et sa procédure de clémence pour dénoncer les cartels devrait être homologuée par le parquet.
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