Farines animales : la France décidée à faire cavalier seul

En dépit du rejet, par le Comité vétérinaire permanent de l'Union européenne, de la demande française de restreindre l'utilisation des farines carnées dans l'alimentation des porcs, volailles et poissons d'élevage, Paris maintient sa décision : depuis le 28 juin, il est prohibé, en France, d'utiliser les cadavres, les saisies d'abattoirs et les abats du système nerveux central des ruminants dans la fabrication des farines animales, soupçonnées de véhiculer la maladie de la « vache folle ». L'article 36 du traité de Rome reconnaît aux Etats membres de l'Union européenne le droit de déroger aux règles communes pour des raisons « de protection de la santé et de la vie des personnes ». Les industriels français de la nutrition animale, désireux de restaurer leur réputation ternie aux yeux de l'opinion publique, semblent se féliciter de la décision prise par le gouvernement. Les farines carnées qu'ils incorporent dans leurs aliments composés destinés à nourrir cochons ou poulets seront désormais exemptes de tout soupçon. Reste qu'une telle affirmation suppose que la France n'importe plus de farines animales. Or, ne serait-ce qu'au premier trimestre 1996, elle en a importé 17.859 tonnes, dont 16.590 tonnes de ses partenaires de l'Union européenne (5.138 tonnes du seul Royaume-Uni). Que sont devenues ces farines, surtout celles importées du Royaume-Uni ? Silence radio. Les industriels interrogés jurent tous qu'ils n'en ont pas utilisé. Se seraient-elles volatilisées ? En haut lieu, on assure que les autorités publiques mènent l'enquête. Mais la Direction des douanes n'est au courant de rien. Toujours est-il que les deux principaux industriels de la nutrition animale montent au créneau pour s'affranchir des rumeurs désagréables. Le groupe Louis Sanders, le numéro un sur le marché français (5 millions de tonnes d'aliments composés sur un marché de 20 millions), organise vendredi une visite de journalistes dans ses installations près du Mans. Guyomarc'h Nutrition Animale, le numéro deux (4,8 millions de tonnes d'aliments composés), s'est payé hier des placards publicitaires dans la presse pour affirmer que « la crise dite de la "vache folle" (...) ne remet en cause ni l'activité, ni les estimations de résultats, ni les choix stratégiques de l'entreprise ». Il est vrai que Guyomarc'h a eu la malencontreuse idée d'introduire ses actions à la Bourse de Paris le 11 juin, en pleine tourmente bovine. Et que, cotées 210 francs la pièce ce jour-là, ses actions ne valaient plus que 173 francs le 2 juillet ! La restriction dans la fabrication des farines animales a aussi un coût. Jusqu'ici, les industriels des protéines et corps gras animaux produisaient 3,3 millions de tonnes de matières premières animales, dont 250.000 tonnes provenant des cadavres, 50.000 tonnes des saisies d'abattoirs et 50.000 tonnes des abats prohibés. La collecte et la destruction par incinération de ces déchets - qui relève du service public - représenterait un manque à gagner de quelque 400 millions de francs. Les équarrisseurs demandent à l'Etat de prendre en charge ce coût supplémentaire. Marc DEGER
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