La tourmente financière fragilise les hedge funds

Si la nouvelle année ne s'annonce pas forcément meilleure, notamment sur le plan macroéconomique, les gérants sont déjà contents de tourner la page 2008. Et les spécialistes de la gestion alternative aussi. En effet, l'année qui vient de s'écouler constitue l'un des exercices les plus noirs qu'ait connu l'industrie des hedge funds. En termes de performances, celles-ci n'ont pas toujours été au rendez-vous. Selon le HFRX Equal Weighted Strategies Index, calculé par Hedge Fund Research, les fonds affichent en moyenne une perte de 21,46 % l'an dernier. Cette correction éclipse totalement l'année 2002 où les fonds avaient perdu en moyenne? 2,9 %. Ce recul reste toutefois à relativiser par rapport aux grands marchés boursiers, les indices MSCI World, Nikkei 225 et S & P 500 ayant respectivement chuté de 42,08 %, 42,12 % et 38,48 %. D'autant que certaines stratégies alternatives ont su tirer leur épingle du jeu. C'est le cas des CTA Global (trading sur matières premières) et du short selling (ventes à découvert). En revanche, la déprime des marchés continue d'impacter les stratégies orientées actions comme le « market neutral », l'« event driven », le « long-short equity », ainsi que les stratégies d'arbitrage de convertibles.La régulation en questionÀ cet effet marché négatif s'ajoutent la fermeture de hedge funds, mais pas la faillite des sociétés les gérant, et d'importants retraits. Sur ce point, il y a eu 32 milliards de dollars de rachats enregistrés en novembre, un record. Et ce chiffre pourrait atteindre 80 milliards de dollars en décembre, même s'il est difficile à estimer correctement, puisque les hedge funds ont des cycles de ventes différents. La conséquence directe de ces trois éléments réunis est une baisse des encours gérés, qui seraient, selon une étude de Morgan Stanley, de 1,1 trillion de dollars contre 1,9 trillion un an plus tôt. Cette fuite des capitaux représente un danger pour l'industrie, car cela entraîne une perte de revenu pour les sociétés de gestion.Afin de limiter les rachats, de nombreuses sociétés ont décidé de les suspendre ou de les limiter. Ainsi, Harbinger Capital vient d'annoncer qu'il honorerait entre 60 % et 70 % des 3,5 milliards de dollars de retraits sur son fonds Harbinger Capital Partners Master Fund, qui pèse 10 milliards de dollars. Ce fonds s'ajoute à la longue liste des grands hedge funds qui ont fait la même chose, comme Centaurus et Citadel. D'autres maisons, comme Blackstone, ont rationalisé leur activité de hedge funds en liquidant ou en se « séparant » de produits. Ces mesures, notamment restreindre les rachats, ne font pas toujours l'unanimité. John Paulson, fondateur de Paulson & Co, un hedge fund de 36 milliards de dollars, pense que c'est « une erreur de limiter les rachats, car c'est de la responsabilité des gérants de trouver de la liquidit頻.Les initiatives pour sauver l'industrie sont aussi venues des autorités. Aux États-Unis, les hedge funds pourront, pour la première fois, emprunter à la Fed dans le cadre d'un programme de 200 milliards de dollars visant à soutenir le crédit à la consommation. En France et en Italie, entre autres, les autorités permettent l'utilisation des gates (limitations de rachats) et des sides-pockets (cantonnement des actifs devenus illiquides). Quant à la Commission européenne, elle a lancé une consultation publique dont les résultats serviront de base à la contribution européenne dans les réflexions sur les hedge funds menées par le G20.Mais l'affaire Madoff est venue noircir un peu plus le tableau. Les produits proposés par l'ancien patron du Nasdaq étaient surtout des hedge funds. C'est le cas de Kingate Global Fund, Fairfield ou encore Defender. Ce scandale a de nouveau mis en lumière le côté opaque de cette industrie, et le non-respect de certaines règles de due diligence. Certaines maisons ont annoncé des mesures. La banque suisse UBP, exposée à hauteur de 700 millions de dollars sur « Madoff », va imposer aux gérants des sous-jacents de disposer d'administrateurs et de dépositaires indépendants, sous peine de retirer ses fonds. Des voix se sont ainsi élevées pour demander plus de régulation. S'adressant avant tout à des professionnels, cette industrie est moins réglementée. Mais à défaut de l'être plus, elle peut l'être mieux. Plus facile à dire qu'à faire, quand on sait que les hedge funds sont difficiles à surveiller car presque toujours domiciliés dans des places offshore. D'ailleurs, une récente étude montre que les îles Caïmans restent la meilleure place en termes de services. Les autorités promettent plus de surveillance. Mais, au lieu de remettre leur sort entre les mains des régulateurs, n'est-ce pas aussi aux investisseurs, c'est-à-dire aux gérants de fonds de fonds, de faire ce travail pour lequel ils prélèvent des commissions ?
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