La crise impose une conformité aux règles sans faille

Seuils minimums de fonds propres, principe de l'égalité des porteurs, conformité des investissements aux profils et aux attentes des clients, fiabilité du contrôle interne, autant d'exigences qui encadrent la gestion d'actifs en application des réglementations nationales et européennes. Jugées parfois trop lourdes, notamment pour les petites sociétés de gestion, ces contraintes révèlent toute leur utilité en période de crise. D'abord parce qu'elles évitent les dérapages, ensuite parce que les clients qui ont subi des pertes sont à l'affût de la moindre entorse aux règles susceptible d'ouvrir la possibilité d'une action judiciaire. « procéder à des audits »« Théoriquement, c'est le moment pour les sociétés de gestion de procéder à des audits pour s'assurer de leur conformité réglementaire et réduire ainsi leurs risques. Le problème, c'est qu'elles font face à l'heure actuelle à des décollectes très significatives avec l'impact qu'on imagine sur leur chiffre d'affaires. Par conséquent, à part celles qui appartiennent à des grands groupes, les autres n'ont pas beaucoup de moyens en cette période », constate Marie-Agnès Nicolet, présidente d'Audisoft Consultants. Une conférence organisée le 10 mars dernier par cette société de conseil a été l'occasion de faire le point sur les zones à risque en période de crise.Il y a d'abord les dangers pesant sur la société elle-même. Malgré la crise, l'Autorité des marchés financiers (AMF) a délivré 50 agréments à de nouvelles sociétés de gestion en 2008. Entre ces nouvelles venues et les petites sociétés qui occupent des niches, le risque est réel d'en voir certaines en difficultés, notamment en ce qui concerne le respect des seuils de fonds propres minimaux. « Nous avons envoyé un courrier à une centaine de sociétés de gestion pour faire le point avec elles au mois de janvier dernier sur ce sujet. Mais nous n'avons détecté jusqu'à présent que deux ou trois cas difficiles », a indiqué lors de cette conférence Bruno Gizard, secrétaire général adjoint de l'AMF en charge de la gestion. En principe, la faillite d'une société de gestion n'a pas d'impact sur les clients dès lors que les avoirs sont détenus par un dépositaire. L'AMF veille néanmoins à ce que les acteurs aient les moyens de poursuivre leur activité et de faire face à leurs risques opérationnels.Autre danger, la tentation pour les gérants de chercher des revenus artificiels soit en réalisant des placements hasardeux, soit en prélevant des frais de gestion excessifs. « Pour lutter contre le risque qu'un gérant dérape, il faut notamment sécuriser les systèmes informatiques, faire dresser des états de positions par une autre personne que le gérant et vérifier celles-ci auprès des brokers, observe Marie-Agnès Nicolet. Sur la rotation du portefeuille, il n'existe pas de règles précises, cela relève donc de la libre appréciation du contrôleur, sachant qu'il faut s'interroger dès lors que les frais impactent la performance. »Outre leurs propres risques, les sociétés de gestion doivent aussi affronter ceux du marché. La grande question à l'heure actuelle est celle des valorisations, lorsque les produits ne trouvent plus de marché et qu'il faut passer du « mark to market » (valeur de marché) au « mark to model » (valorisation sur la base de modèles mathématiques). Le « mark to model »« Nous avons attiré l'attention des sociétés de gestion sur la nécessité de formaliser le ?mark to model? et de prévenir les commissaires aux comptes en amont pour qu'ils ne soient pas pris de court, a précisé Bruno Gizard lors du même colloque. La recommandation de la Compagnie nationale des commissaires aux comptes sortie en septembre 2007 sur ce sujet a été globalement correctement appliquée et nous n'avons constaté aucun refus de certification des comptes des fonds monétaires. » La question des valorisations ne touche d'ailleurs pas seulement les produits classiques mais aussi les OPCI (organisme de placement collectif immobilier) dont l'estimation des actifs en période de crise immobilière nécessite également une surveillance.Plus spécifiques aux circonstances actuelles sont les solutions recherchées par les sociétés de gestion pour répondre aux inquiétudes de leurs clients. La tentative de sauvetage d'un fonds ou la volonté de faire un geste commercial en direction de certains clients peuvent en effet se heurter au principe d'égalité des porteurs. « L'AMF a reçu des projets de fusion de fonds, ils sont admissibles à condition que les deux produits aient le même profil de risque. En revanche, si l'un comprend des produits titrisés et que le prospectus de l'autre ne prévoit pas cette possibilité, nous refusons la fusion. »Reste une troisième catégorie de risques, celle-là liée aux clients. Les investissements réalisés doivent en effet être conformes au profil du client et à ses attentes. Par ailleurs, celui-ci doit être correctement informé. Ces règles applicables en période normale prennent une acuité particulière en temps de crise, car les porteurs qui ont perdu de l'argent ne vont pas hésiter à chercher les éventuelles fautes qui leur permettront d'agir en justice pour tenter de récupérer leur mise. Et non seulement il faut plus que jamais respecter les règles mais encore être en mesure de le prouver, ce qui impose d'être vigilant sur la conservation des documents. Dans l'intérêt de tousDans le contexte actuel, l'AMF veille particulièrement sur les sociétés de gestion et coopère activement avec les responsables conformité pour que la réglementation soit respectée dans l'intérêt de tous. À ce sujet, « les sociétés de gestion nous ont indiqué qu'elles avaient pris la mesure des enjeux et ?sanctuarisé? la fonction contrôle », a précisé Bruno Gizard, tout en soulignant à titre préventif que, si les contrôleurs internes rencontraient la moindre difficulté pour accomplir leur mission, l'AMF serait à leurs côtés. À bon entendeur?
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