Les juges veulent de la transparence

émunérationsAvec la crise financière et économique, les bonus, primes de résultats, primes exceptionnelles versés à des analystes financiers, commerciaux, cadres, etc. deviennent encore plus un sujet sensible. Les dirigeants d'entreprise, en particulier dans les établissements financiers, doivent redoubler de précautions avant de les attribuer à certains de leurs salariés. Méconnaître l'arrêt de principe rendu le 30 avril dernier par la chambre sociale de la Cour de cassation risque de les mettre en mauvaise posture lors d'un contentieux. Car pour la haute juridiction, un employeur ne peut plus se réfugier derrière son pouvoir discrétionnaire pour justifier le versement d'une part variable (bonus, prime, etc.) à la rémunération d'un ou plusieurs de ses salariés. Une limite s'impose à lui : respecter le fameux principe de non-discrimination « à travail égal, salaire égal ».éléments objectifsPar conséquent, l'entreprise est tenue de s'appuyer sur des éléments objectifs et pertinents pour attribuer une part variable à ses salariés. Autrement dit, les critères retenus constituent la base de calcul. Ensuite, le résultat final peut déboucher sur une différence de rémunération, avec un bonus par exemple, pour les employés occupant le même poste de travail. Cette différence sera fondée puisqu'elle provient d'éléments objectifs et pertinents, et non de la seule libre appréciation du dirigeant. Or « beaucoup d'entreprises ont encore des pratiques de rémunération reposant sur des éléments discrétionnaires », prévient Aymeric Hamon, avocat associé au cabinet Fidal.Dans l'affaire jugée, une société avait recruté le 1er octobre 1993 un analyste financier. Elle décide de le licencier pour insuffisance professionnelle par une lettre recommandée du 16 avril 2002. L'analyste financier saisit alors la justice. Il conteste son licenciement mais s'estime aussi victime d'une discrimination. Sur ce dernier point, il reproche à son employeur de ne pas lui avoir versé les mêmes montants de prime annuelle variable que ceux obtenus par ses collègues de travail. Il avance que les sommes en jeu dépendaient du pouvoir discrétionnaire de la direction de la société. Dans un arrêt du 12 décembre 2006, la cour d'appel de Paris a donné gain de cause à l'entreprise. Elle a considéré qu'une prime ou bonus relevait du pouvoir discrétionnaire de l'employeur. Il n'y avait donc pas lieu d'appliquer le principe « à travail égal, salaire égal ».Rappel de primesMais la Cour de cassation n'a pas du tout retenu l'interprétation en droit des juges du fond. Y compris pour la part variable (bonus, prime, etc.), un employeur ne peut pas opposer son pouvoir discrétionnaire pour se soustraire à son obligation de justifier de façon objective et pertinente une différence de rémunération.« Avec l'arrêt du 30 avril dernier, la Cour de cassation met bien en avant une obligation de transparence qui pèse sur l'employeur », explique Aymeric Hamon. Autrement dit, un salarié peut demander en justice un rappel de primes ou de bonus sur plusieurs années à son employeur au titre du principe « à travail égal, salaire égal ». Il revient ensuite à cet employeur, sur lequel pèse la charge de la preuve, de démontrer devant les juges que le calcul de la part variable de la rémunération repose sur des éléments objectifs et pertinents. Cette part variable pourrait très bien être indexée sur des indices de performance. « Par exemple, les employeurs de traders pourraient indexer les bonus en fonction du classement de l'enquête annuelle Thomson Reuters Extel », indique Aymeric Hamon. Une chose est sûre : les entreprises ont intérêt à se mettre en règle avec l'arrêt du 30 avril dernier. Sinon, elles risquent un jour ou l'autre de le payer cher devant le juge. Frédéric Hasting
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