Aubry se lance sans rassembler

Je vous demande de venir me rejoindre. Je me sentirai moins seule. » Samedi en début d'après-midi, au terme d'un conseil national houleux, marqué par une ultime guérilla des « royalistes », Martine Aubry fait monter la nouvelle direction du PS à la tribune. Dix-neuf hommes et dix-neuf femmes, pas vraiment l'équipe resserrée promise par la nouvelle première secrétaire, mais une formation rajeunie, à l'image de Benoît Hamon, nommé porte-parole. Mais, derrière cet affichage de la rénovation, les caciques de l'appareil, les alliés strauss-kahniens et fabiusiens de la maire de Lille, occupent les postes clés rue de Solferino : bras droit de Martine Aubry, François Lamy est conseiller politique chargé de la communication, Christophe Borgel (« aubryste ») est chargé des élections et de la « vie des fédérations ». Claude Bartolone (fabiusien) et Jean-Christophe Cambadélis (strauss-kahnien), artisans de l'alliance « des carpes et des lapins », sont chargés des relations extérieures et de l'international. Harlem Désir, proche de Bertrand Delanoë, est chargé de la coordination et Arnaud Montebourg de la rénovation. Aucun membre de l'équipe de Ségolène Royal n'a intégré la direction. Dans son premier grand discours, une heure et demie, Martine Aubry tente de tourner la page de dix-huit mois de batailles internes. En appelant le PS à se « remettre au travail » et à mener une opposition frontale à Nicolas Sarkozy. La nouvelle patronne du PS promet d'ouvrir grand « les portes et les fenêtres » du parti, avec l'organisation de conventions thématiques, la création d'un forum des territoires pour coordonner l'action des collectivités locales ? régions, départements, municipalités ? où la gauche est en position de force, et d'un laboratoire des idées, « le lab », pour refaire du PS « une ruche » irriguée par les contributions des intellectuels et des artistes. Baroud d'honneurMais la photo de samedi est brouillée. Tout d'abord parce que Ségolène Royal est absente, laissant ses lieutenants mener un baroud d'honneur contre la majorité du parti. Vincent Peillon parle d'un « faux départ, comme en athlétisme ». Les « royalistes » dénoncent notamment les insuffisances du texte d'orientation de la direction sur la question salariale ou sur l'Europe. Le document de neuf pages signé par Martine Aubry, Bertrand Delanoë et Benoît Hamon consacre l'ancrage à gauche du PS ? réforme de la finance, défense du service public, consolidation de la retraite par répartition en créant une contribution assise sur la valeur ajoutée, baptisée « CSG entreprise ». Les proches de Royal déposent sept amendements, notamment sur la question des alliances électorales, le texte rejetant tout accord avec le MoDem, et sur l'organisation de primaires ouvertes pour la désignation du candidat de la gauche à la présidentielle de 2012. Amendements rejetés dans un climat de tension grandissante. Les amis de Ségolène Royal obtiennent alors un vote par appel nominal des 306 délégués. Le texte de la direction est finalement adopté par 146 voix pour et 72 abstentions, ce qui établit le rapport de force à 67 % pour la direction et 33 % pour la minorité « royaliste ». Et ce qui confirme surtout que le PS reste déchiré. Il y avait deux autres « grands » absents samedi, l'ex-premier secrétaire François Hollande, hostile à cette fragmentation du parti qu'il a dirigé par la « synthèse » pendant onze ans, et Laurent Fabius, artisan de la victoire de Martine Aubry, apparemment déçu par une répartition des postes qui fait plutôt la part belle au camp strauss-kahnien. « Si on compte le départ de Jean-Luc Mélenchon, on peut dire qu'en ce moment on procède surtout par soustractions et pas par additions, et ça, c'est dangereux », reconnaissait un élu socialiste.
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