Moretti sur le chemin de la vie

Pietro Palladini a 43 ans et il est veuf. Une nouvelle vie commence pour ce Milanais que le sort a jusque-là épargné. Accompagnant sa fille pour la rentrée, il décide de ne plus quitter la porte du collège et de rester sur un banc devant l'école en attendant Claudia et la fin des cours. C'est Nanni Moretti qui a choisi de jouer ce personnage à la Beckett, sur la comédie des apparences. C'est aussi lui qui signe la délicate adaptation du beau roman de Sandro Veronesi (« Chaos calme », prix Femina étranger, paru chez Grasset). Disons-le d'entrée?: le pari est réussi. Grâce à lui. C'est un récit étrange et mélancolique qui progresse par cercles concentriques autour d'une première scène en forme de matrice. Pietro et son frère se baignent et sauvent par hasard une femme en danger. Le destin fait le reste. Sa femme meurt brutalement à la maison pendant son absence. Et tout se trouve changé autour de lui. Ce qui échappait à Pietro va lui être révélé peu à peu. Les secrets professionnels qui l'entouraient dans la société dont il est l'un des dirigeants. Les secrets de famille qui concernent la vie privée de ses frères et s?urs, et aussi la vie passée de son épouse. Les secrets de l'amour dont il ne se préoccupait plus au quotidien, protégé par son cocon. À une relation conjugale va se substituer une relation père-fille très forte. Elle devient le socle sur lequel il construit sa renaissance. Le square qui borde l'école se transforme en lieu de visite. On vient de loin pour retrouver Pietro là où il est prostré. Ses amis, ses collègues et ses proches défilent, escortés de nouveaux visages, comme la jolie passante au chien ou la femme qui accompagne un enfant trisomique. une critique de la société L'incapacité du travail de deuil que raconte « Caos calmo » permet un regard amer et désabusé sur les failles d'une vie trop lisse. La mise en scène classique de cette histoire laisse à Nanni Moretti le soin d'occuper tous les plans et tout le champ de l'image. Il nous envoûte par une subtilité et une force de jeu qu'il n'atteint pas toujours dans ses propres films. « La Chambre du fils » racontait aussi l'effondrement d'un foyer frappé par la mort, mais là il s'agit d'un élan vers la vie, comme le montre la surprenante scène d'amour physique qui a inutilement fait jaser en Italie. À la fin se dessine le portrait d'un homme qui trouve la séduction, le pouvoir et la réussite dans la quête d'un chagrin qui ne vient jamais. Mais, sous le beau titre de « Caos calmo » se cache aussi un discours très critique sur les moteurs de la société italienne d'aujourd'hui. Trois acteurs français donnent la réplique à Nanni Moretti, Denis Podalydès, Hippolyte Girardot et Charles Berling. Sans oublier la savoureuse apparition finale de Roman Polanski dans la peau d'un puissant tycoon. Isabella Ferrari, Valeria Golino, Alessandro Gassman et Silvio Orlando complètent le générique de ce film, prototype de ce que le cinéma transalpin peut donner quand il est à son plus-haut. n
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