suleiman de nazareth

cinémaIl n'est jamais aisé de parler de la Palestine. Surtout pour un Palestinien, tant la tentation du manichéisme est grande. Un piège que le réalisateur Elia Suleiman a parfaitement su éviter dans son dernier opus, « le Temps qu'il reste », qui fut un candidat sérieux à la palme d'or cette année à Cannes. Ici, pas d'antisionisme primaire, pas de dénonciation définitive de la politique israélienne. D'ailleurs, le film est coproduit par un Israélien, Avi Kleinberger, qui s'est engagé à ce que « le Temps qu'il reste » soit distribué dans son pays.Suleiman pose un regard décalé, parfois poétique (un peu à la manière de Tati) et souvent plein d'humour sur la situation somme toute tragique des « Arabes-Israéliens ». « grande catastrophe »Le réalisateur, dans ce troisième long métrage ? le précédent, « Intervention divine », avait déjà été remarqué à Cannes en 2002 ?, a choisi de nous raconter l'histoire de sa famille (originaire de Nazareth) depuis soixante ans en quatre épisodes marquants.1948, d'abord, année de la « grande catastrophe » ? la « nakba » en arabe ? quand la Palestine fut partagée pour créer Israël. Le père d'Elia Suleiman, Fuad (joué par l'excellent et distingué Saleh Bakri), alors âgé d'une vingtaine d'années, se jette à corps perdu dans la résistance à l'armée israélienne. Une fresque épique, dure, basée sur les souvenirs personnels de Fuad. Le deuxième épisode se situe en 1970 à la mort de Nasser. On retrouve la famille Suleiman dans sa maison de Nazareth où elle est restée alors que de nombreux parents et amis ont fui en Jordanie ou ailleurs. L'ambiance est lourde, Fuad, le père, vaincu en apparence, garde, allumée au fond de lui, la flamme de la résistance. Puis vient 1987 et la première intifada. Dénoncé, le jeune Elia est prié de quitter le pays. Il ne reverra plus jamais son père. 2009, enfin, Elia revient pour la première fois à Nazareth pour veiller sa vieille mère qui ne communique plus et qui va s'éteindre à l'hôpital.Cette narration en quatre temps pourrait être tragique, vécue comme une montée vers le désespoir. En vérité, malgré la noirceur du propos, on ne cesse de rire et de s'émouvoir. Elia Suleiman (qui joue son propre rôle) a le don de raconter avec humour les petites choses de la triste vie ordinaire de cette minorité arabe en Israël. Ainsi ce voisin de la famille Suleiman qui ne cesse, jour après jour, de vouloir s'asperger d'essence pour en finir avec la vie. Et, à chaque fois, les allumettes ne s'allument pas? scène d'intifadaAinsi, à l'hôpital, ce défilé de patients plus incongrus les uns que les autres. Ainsi, cette scène d'intifada où soldats israéliens et jeunes Arabes se figent soudain dans leur face-à-face pour laisser passer une jeune mère et son bébé. Et que dire encore de ce rêve métaphorique où Elia Suleiman franchit, à l'aide d'une perche, le mur de séparation entre Israël et les territoires autonomes. Quand la dérision devient une arme pour dénoncer. n
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