La crise n'a pas épargné la gestion alternative

L'année 2008 laissera sa marque dans l'histoire économique et financière. La crise des subprimes, révélée au grand jour avec la faillite des fonds Bear Stearns en 2007, s'est propagée à l'ensemble de la sphère financière. Après la banqueroute de Lehman Brothers en septembre 2008, l'aversion absolue pour le risque s'est traduite par une crise de liquidité à l'échelle planétaire qui a frappé de plein fouet l'industrie des hedge funds. Les actifs gérés ont fortement diminué (de plus de 30 % selon HedgeFund Intelligence) du fait des mauvaises performances symbolisées par la baisse de 17,08 % de l'indice Edhec FoF** et d'une décollecte importante dans la seconde partie de l'année. Face aux rachats, de nombreux fonds ont mis en place des « gates » (limitation de rachat), d'autres ont gelé les remboursements jusqu'à ce qu'ils soient en mesure de liquider leurs actifs. Dans cet environnement cauchemardesque, seules quelques stratégies de niche ont finalement réussi à préserver le capital des investisseurs. Relative « value arbitrage » (valeur relative). Ce segment a chuté l'an dernier de 13,70 %. Les raisons : plongeon des fonds d'arbitrage de convertibles (? 26,48 %) directement impactés par le « credit-crunch », débouclage massif des positions de Lehman Brothers par les liquidateurs et restrictions sur les ventes à découvert. L'élargissement des « credit spreads » anticipant des niveaux de défaut record a aussi été fatal aux fonds d'arbitrage de taux (? 16,80 %, les pires résultats provenant de l'arbitrage de MBS et long-short credit). De leur côté, les fonds « equity market neutral » (exposition neutre au marché) ont certes fait mieux que les styles précédents, mais ils finissent néanmoins l'année sur une perte historique de ? 7,34 % alors qu'ils constituent pourtant l'une des stratégies les moins volatiles dans l'univers alternatif. Les vrais gagnants parmi les stratégies en valeur relative sont les fonds d'arbitrage de volatilité qui ont pu profiter de l'explosion de celle-ci en octobre (l'indice VIX culminant à plus de 80). « Event driven » (situation exceptionnelle). Cette catégorie a été durement touchée en 2008 avec une perte de 16,20 %. Les résultats par stratégie sous-jacente sont toutefois assez contrastés. Ainsi, les fonds d'arbitrage de fusions-acquisitions ont plutôt bien résisté (? 1,03 % seulement) bien que le volume des deals ait baissé d'environ un tiers d'une année sur l'autre. Mais il faut préciser que ce volume avait atteint des sommets à la mi-2007. L'environnement de 2008 n'a finalement pas été aussi mauvais qu'on aurait pu le craindre dans le domaine des fusions-acquisitions. À l'opposé, les fonds « distressed » ont vraiment broyé du noir tout au long de l'année (? 19,40 %) sous l'effet notoire de l'élargissement spectaculaire et continu des « credit spreads », de très loin supérieurs aux pics observés ces vingt dernières années, et de l'effondrement des marchés actions. Long-short equity. Dans un marché gagné par la panique, ces fonds ont aussi souffert (? 15,57 %), mais leur perte reste cependant plus de deux fois inférieure à celle de l'indice MSCI World en euro, les gérants ayant fortement baissé leur exposition entre le deuxième trimestre et la fin de l'année. La concentration des portefeuilles et les biais sectoriels ont parfois creusé les pertes, notamment lors des phases de « bear market rally » comme en juillet 2008, quand de nombreux gérants étaient à découvert sur les financières et longs sur les valeurs énergie, sous-performant alors les marchés actions. Les interdictions temporaires de vente à découvert ont aussi eu un impact sur ces fonds, en augmentant encore la volatilité et en créant des situations de « short squeeze » [Ndlr : impossibilité de trouver les titres à se faire prêter]. Enfin, et ce n'est pas l'aspect le moins négligeable, la liquidité des portefeuilles long-short a poussé nombre d'investisseurs coincés sur d'autres stratégies (celles dont les marchés sous-jacents étaient gelés) à couper leurs poses pour gérer leur propre problème de liquidité.Vente à découvert. Sans surprise, dans la mesure où ils produisent un rendement inverse à celui des indices actions, les « short sellers » remportent la palme en 2008 avec un gain de 24,72 %. Global macro. Dans l'ensemble, même si la dispersion des résultats au sein de ce segment reste toujours importante, les fonds macro se sont plutôt bien comportés par comparaison avec les autres styles, sans pour autant faire de miracles (? 2,88 %). La plupart des gérants ont su anticiper les baisses de taux successives. Les meilleurs d'entre eux ont surfé sur la baisse des marchés actions alors que les moins bons ont conservé des positions longues sur les marchés émergents. D'une manière générale, il faut souligner que nombre d'entre eux ont baissé significativement leur exposition sur les taux comme sur les actions et les devises au cours du second semestre. CTA (stratégies sur produits dérivés). Après une année 2007 déjà très satisfaisante (+ 9,89%), 2008 a été un excellent millésime pour les CTA (+ 12,78%), tant pour les « trend followers » (suiveurs de tendance) qui ont su accompagner les mouvements baissiers sur les actions, le dollar et les matières premières, que les fonds court terme et à haute fréquence bien que les modèles de ces derniers aient parfois eu du mal à composer avec une volatilité « intra-day » très élevée. n(*) Professeur de finance, Edhec Business School.(**) Les performances indiquées sont celles des indices Edhec en doll
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