Le Net chahute le marché des jeux vidéos

Le jeu vidéo s'était jusque-là préservé des ravages qu'Internet avait produits dans la musique ou le cinéma. Ce moment de répit pourrait être terminé. De nouveaux modèles de consommation sont en train d'émerger, poussés à la fois par le succès des sites communautaires (Facebook, MySpace etc.) et par la démocratisation du jeu vidéo.« Avec Internet, la tendance s'oriente vers le contenu créé par les utilisateurs », a expliqué James Rebours, directeur de Sega pour l'Europe du Sud, lors du séminaire annuel jeu vidéo organisé par l'institut d'études Idate, à Montpellier. Meilleure preuve de cette tendance, le lancement de Spore. Ce jeu inventé par l'auteur des Sims, Will Wright, consiste à faire évoluer son univers en créant (et en partageant avec d'autres joueurs) ses propres contenus (personnages, bâtiments, véhicules?). Autre phénomène : LittleBigPlanet, lancé par Sony Computer Entertainment pour être joué sur une console PS3, qui repose aussi sur la création de contenus (mondes, personnages etc.). Objectif : « capter une communauté, lui donner des outils pour qu'elle reste scotchée et participer à son animation. Cela permet d'allonger le cycle de vie du jeu », indique Laurent Michaud, de l'Idate.Pour Spore ou LittleBig Planet, il faut acheter le jeu chez un distributeur (Fnac, Carrefour?). Mais d'autres éditeurs ? d'abord asiatiques ? ont inventé un nouveau modèle économique, baptisé le « free to play » (gratuit pour jouer). Le jeu est mis en accès libre sur Internet. L'éditeur se rémunère ensuite sur la vente d'objets (équipements que l'on achète pour son personnage, ou cadeaux que l'on fait à ses congénères par exemple) et sur la publicité générée par l'audience. Le jeu de course KartRider, du coréen Nexon, a attiré 16 millions de joueurs occasionnels en Corée. Les objets sont vendus entre 15 centimes et 25 dollars.Tout compris (abonnement, publicité, vente de boîtes et vente d'objet), le jeu en ligne va générer en 2008 dans le monde 6,9 milliards d'euros sur un total de 31,1 milliards d'euros (hors vente de consoles), selon l'Idate. Timidement, l'Europe et les États-Unis investissent ces nouvelles terres, qui les amènent à revoir leur modèle traditionnel, au moins pour ce qui concerne les jeux pour PC. En juin, NBC a pris le contrôle pour 70 millions d'euros de l'allemand BigPoint, dont le chiffre d'affaires (20 millions d'euros cette année) croît de 100 % par an. En 2007, Disney a racheté Club Pinguin, une plate-forme à destination des enfants, pour 350 millions de dollars (plus 350 millions supplémentaires, si les objectifs 2009 sont atteints). Electronic Arts possède Pogo. Mais le pas est difficile à franchir pour les éditeurs traditionnels. Ubisoft a abandonné son projet de lancement de Myst Online.« Dans le modèle traditionnel, les équipes de développement sont dissoutes une fois le titre développé. Là, au contraire, tout commence avec le lancement du jeu. Il faut prévoir la gestion de la communauté, la création d'objets, le service clients », explique Mathieu Nouzareth, PDG de Boonty. La société a lancé il y a huit mois Cafe.com, plate-forme de jeux grand public à destination des femmes de plus de 30 ans. 1 euro par mois« La vente de contenus rapporte plus que la publicité. En moyenne, un utilisateur actif rapporte 1 euro par mois. Ces transactions sont indolores », s'est persuadé le PDG. Malgré lui, World of Warcraft, le jeu massivement multijoueurs de Blizzard (Vivendi), dont l'abonnement coûte 15 dollars par mois, est victime du phénomène. Un marché parallèle de vente d'objets (armes et personnages de niveaux supérieurs) s'est développé. Atteignant un niveau industriel : des sociétés chinoises se sont spécialisées dans ce commerce. Une manne qui échappe totalement à l'éditeur. Ce qui n'empêche pas Blizzard de profiter pleinement du canal, déjà traditionnel, de vente de son jeu au succès planétaire. L'éditeur a annoncé hier avoir vendu 2,8 millions de la dernière version de son jeu en 24 heures.Sandrine Cassini
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