La France n'est pas à l'abri d'une affaire Madoff

La confiance n'exclut pas le contrôle. » L'adage aurait dû s'appliquer à Bernard Madoff. Cela aurait peut-être évité une des plus grandes escroqueries financières, estimée à 50 milliards de dollars.Madoff offrait des rendements élevés, compris entre 7 % et 15 %, avec très peu de volatilité. Sa stratégie reposait sur l'utilisation d'options. « Quand il estimait que le marché allait monter, il achetait un panier d'actions d'une cinquantaine de valeurs répliquant l'indice S&P 100, explique Robert Seiler, gérant chez Peak Partners à Genève. Pour se couvrir, il achetait des puts financés partiellement par la vente de calls sur cet indice, ce qui limitait donc son potentiel de gain à quelques pour cent par mois. » Mais si ses prévisions étaient fausses, c'est-à-dire si le marché baissait, il gagnait pratiquement toujours de l'argent, car les puts augmentaient fortement en valeur non seulement en raison de la baisse de l'indice, mais aussi en raison de la hausse de la volatilité implicite des options. Pour Robert Seiler, « la performance venait presque exclusivement des options ». En théorie, cette stratégie est possible. Mais ce qui aurait pu mettre la puce à l'oreille, c'est qu'il était le seul à la pratiquer avec autant de réussite, pendant si longtemps et surtout à cette échelle. Pour cela, il devait obligatoirement avoir un excellent timing, mais aussi obtenir de très bons prix sur les options. Cela pose la question des contreparties, car si Madoff gagnait à quasiment tous les coups, cela signifie que les contreparties à qui il achetait ou vendait des options acceptaient de perdre quasiment systématiquement, or ce n'est pas ainsi que Wall Street fonctionne. Enfin, le marché des options cotées était bien trop étroit pour que Madoff puisse l'utiliser.délégation de gestionPour profiter de cette « martingale », les investisseurs ouvraient un compte chez Madoff ou investissaient dans un fonds feeders (nourriciers). Ces fonds avaient un compte ouvert chez Madoff sur lequel était versé l'argent, sans passer par une banque dépositaire. Parmi les fonds visés, on trouve Kingate Global Fund, Fairfield, Thema Fund International ou encore Luxalpha. Dans le cas de Luxalpha, le plus souscrit en France, Access International Advisors (AIA) en est le promoteur. Comme argument commercial, ses dirigeants disaient être présents à New York et pouvaient ainsi contrôler ce que faisait Madoff. On connaît la suite? Quant à UBS Luxembourg (UBS), «nous avons structuré Luxalpha à la demande des clients », déclare la banque. Jolie manière de se dédouaner. UBS en est l'administrateur, le dépositaire et le valorisateur. Mais pas le gérant, comme l'indique le prospectus de cette Sicav luxembourgeoise. Le gérant est Access Management Luxembourg, qui « déléguait » la gestion à? Madoff. Dans ce cas, les investisseurs payaient des frais de gestion et des commissions de surperformance contre des services non assurés par Acces Management. Si Madoff est présent à tous les maillons de la chaîne, pourquoi n'apparaît-il pas dans le prospectus ou le bulletin de souscription?? Parce que la législation luxembourgeoise impose d'avoir le statut de banque pour être dépositaire. Ce que ne sont ni Madoff ni AIA. Il faut en plus avoir une société de gestion sur place. Madoff n'en avait pas. UBS a donc « rendu » service et servi en quelque sorte de « prête-nom ».contre qui se retourner ?Pour certains professionnels, c'est une pratique courante. Peut-être, mais aujourd'hui la fraude est constatée?! Dès lors, contre qui les investisseurs peuvent-ils se retourner (lire ci-contre)?? S'ils sont investis directement dans Madoff, leurs avoirs ont certainement disparu. S'ils le sont via des fonds de fonds, ils peuvent invoquer la responsabilité de la société de gestion, du distributeur ou du dépositaire. Un grand cabinet d'avocats parisien a d'ailleurs commencé à fédérer plusieurs plaignants. À ce jour, les souscripteurs de Luxalpha envisagent surtout d'attaquer UBS.Une enquête est ouverte à Luxembourg contre UBS pour son rôle de dépositaire. Mais dans le prospectus de Luxalpha, UBS a un rôle de « surveillance ». Elle n'est pas « le gardien des avoirs du fonds puisqu'ils sont gardés par le courtier américain (sous-entendu Madoff : Ndlr) dans un compte séparé au nom du fonds ». UBS n'est pas le dépositaire et « rembourse seulement les sommes perçues par le courtier américain et ne garantit pas le remboursement des avoirs en cas de défaut». En France, le dépositaire a une obligation de résultat. En cas de défaut, il doit rendre les titres. Une telle situation est donc impossible, sauf depuis l'ordonnance du 23 octobre (lire ci-dessous). Pour autant, UBS a failli dans son rôle de surveillance puisqu'elle n'a pas contrôlé la contrepartie. Quant à son rôle de valorisateur, elle se contentait des reportings, faux, émis par Madoff pour calculer des valeurs liquidatives (VL). Pour mémoire, UBS était impliquée dans la fraude du hedge fund Philadelphia en 2006. Elle établissait des VL sur la base de documents bidons envoyés par Man Financial.Pourtant, les comptes de Luxalpha étaient validés tous les ans par Ernst & Young. Ce que de nombreux investisseurs ne comprennent pas c'est que ce fonds, et d'autres d'ailleurs, étaient composés de bons du Trésor américain. Les actifs étaient donc bien matérialisés. Or, les dépositaires déclarent que les actifs ont disparu, voire n'existaient pas. Cela pose la question de la transparence dans le prospectus sur la réalité de la conservation des actifs quand il y a des clauses de non restitution des titres.Quoi qu'il en soit, on imagine qu'UBS est assurée contre ce type de fraude, dont l'acteur principal sur ce marché est AIG?
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