Les actionnaires minoritaires de Fortis fourbissent leurs armes

Traditionnellement, l'occurrence d'une catastrophe réconcilie les ennemis d'hier. Mais l'annonce, jeudi soir, par Fortis Bank d'une perte nette colossale de 14,1 milliards d'euros sur les neuf premiers mois de 2008, qui devrait être alourdie de 4 ou 5 milliards supplémentaires au quatrième trimestre, n'a pas suscité de cessez-le-feu entre les acteurs du démantèlement de l'établissement et ses actionnaires minoritaires. Au contraire !Ces derniers voient justement dans les résultats désastreux de Fortis Bank la preuve manifeste des méfaits de la cure de minceur infligée en octobre à l'ancien fleuron bancaire par les États belge, néerlandais et luxembourgeois avec le concours de BNP Paribas. « L'essentiel des pertes résulte de la cession d'ABN-Amro au gouvernement néerlandais et des autres transactions liées au démantèlement de Fortis. Ces opérations ont généré à elles seules une perte de 12,5 milliards d'euros », détaille Olivier Bonhivers, l'associé du cabinet d'avocats Modrikamen qui défend un large groupe d'actionnaires minoritaires. Il déroule son argumentaire : « Les opérations bancaires sont en revanche toujours viables, puisque Fortis Bank a dégagé un bénéfice de 1,2 milliard d'euros sur les neuf premiers mois de l'année 2008. Par ailleurs, l'établissement affiche un ratio de solvabilité élevé de l'ordre de 10 %, qui le met au-dessus de celui de BNP Paribas. C'est à se demander qui a vraiment besoin de l'autre », s'interroge-t-il un brin ironique. Pour lui, la perspective d'un échec du rapprochement n'a d'ailleurs rien de dramatique. « Fortis Bank appartient à l'État belge qui est un actionnaire stable, il n'y a rien à craindre du maintien de cette situation », assure l'avocat.Fort de ce raisonnement, le cabinet Modrikamen vient de franchir une nouvelle étape dans son bras de fer entamé avec les ordonnateurs du démantèlement de Fortis. Non content d'avoir obtenu le 12 décembre de la cour d'appel de Bruxelles la suspension de la cession de la majorité du capital de la banque belge à BNP Paribas, il a entamé cette semaine une action en annulation du découpage du groupe dans son entier. Elle sera signifiée dès lundi aux États belge et néerlandais et à BNP Paribas.Plusieurs analystes interrogés par « La Tribune » soulignent toutefois les risques d'une telle annulation. « Les actionnaires minoritaires ont une approche purement comptable. La perte de 12,5 milliards n'est d'ailleurs pas une surprise. Mais même si elle n'avait pas revendu à l'État néerlandais les activités d'ABN-Amro acquises à prix d'or en 2007 (24 milliards d'euros, Ndlr), Fortis aurait dû procéder à un ajustement dans ses comptes de la valeur de ces actifs », souligne un premier analyste. Un de ses pairs ajoute que d'un point de vue financier, « la banque aurait fait faillite comme Lehman Brothers si elle n'avait pas subi ce démantèlement destiné à lui assurer des liquidités ». Les tenants de l'opération agitent le risque que les prochains mois ne soient pas meilleurs pour Fortis si la banque ne parvient pas à s'adosser à un groupe bancaire solide comme BNP Paribas.irréconciliablesÀ trois semaines des assemblées générales du 11 et du 13 février, lors desquelles les actionnaires de Fortis devront s'exprimer sur le démantèlement de la banque, rien ne semble pouvoir rapprocher les positions des deux camps. Pis, le foisonnement des initiatives de groupes d'opposants ne fait que croître : le tribunal de commerce d'Amsterdam examinera mardi la requête d'une nouvelle association d'actionnaires, Euroshareholders, qui réclame à son tour un droit de vote sur le démantèlement de Fortis ! Le même jour, deux groupes d'experts indépendants doivent rendre un rapport sur les conditions du démantèlement et le respect des intérêts des actionnaires. Sans doute les forces en présence attendent-elles ses conclusions pour ouvrir un ultime round de négociations.
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