à Bruxelles, la gardienne de la concurrence ne s'avoue pas vaincue

La nuit où la banque belgo-néerlandaise Fortis a failli être balayée par le tsunami financier venu d'outre-Atlantique et sauvée in extremis par l'intervention coordonnée de la Belgique, des Pays-Bas et de la France, la commissaire européenne, Neelie Kroes, a vite compris que les fondations de sa citadelle, la très austère et redoutée Direction de la concurrence, commençaient à craquer. Rapidement, des États membres aussi exempts de tout soupçon d'interventionnisme public comme la Grande-Bretagne ou l'Allemagne se sont mis à aligner des milliards pour épargner leurs banques de l'hystérie collective. Et le Conseil européen des chefs d'État et de gouvernement de demander publiquement à la Commission européenne de faire preuve de « flexibilit頻, c'est-à-dire ne pas broncher face à cette pluie d'aides d'État. En temps normal, le mot « aide d'État » fait grimper aux rideaux la fameuse DG4, la Direction de la concurrence. Là, pas un mot?! « Kroes rasait les murs », se souvient un diplomate à Bruxelles. Mais c'était sans compter avec l'Irlande, qui allait annoncer un plan d'aide discriminatoire ne concernant que ses banques nationales. levier irlandaisDe Gordon Brown à Angela Merkel, en passant par le président en exercice du Conseil européen, Nicolas Sarkozy, Dublin a provoqué l'émoi dans le landernau européen. « Ce sont de fait les Irlandais qui ont permis à Neelie Kroes de reprendre la main », observe Pervenche Berès, présidente de la commission des Affaires économiques et monétaires du Parlement européen. En effet, très vite, la Commission européenne a exigé de l'Irlande qu'elle revoit sa copie et étende son plan d'aide à toutes les banques présentes sur son territoire. Le gouvernement irlandais s'est exécuté. Et petit à petit, la DG4 a commencé à montrer ses dents. Elle a déclaré par exemple « illégal » la recapitalisation de Commerzbank. « Neelie Kroes ne s'avoue pas vaincue », observe Pervenche Berès. Dès que le gouvernement allemand a fait état de sa volonté d'aider le constructeur automobile Opel, qui s'efforce de ne pas sombrer avec sa maison mère, General Motors, au bord du dépôt de bilan, la commissaire européenne martèle que ses services sont « en contact avec les autorités allemandes » pour jauger la légalité d'une éventuelle aide directe. Bref, gardienne des traités, la Commission européenne fait son travail. De fait, la DG4 a habilement habillé son silence face aux plans de recapitalisations bancaires, glisse un expert, en se fondant sur une disposition du traité un peu oubliée, utilisée jusqu'ici une seule fois, en 1981, en faveur de la Grèce. C'est l'article 87, paragraphe 3, alinéa b, qui stipule que « peuvent être considérées comme compatibles avec le marché commun les aides destinées à remédier à une perturbation grave de l'économie d'un État membre ». Il s'agit d'éviter tout risque systémique avec un plan global. Mais quand il s'agit d'aides destinées à une seule entreprise, en l'occurrence à une banque comme Fortis ou Commerzbank, la DG4 ouvre immédiatement le grand livre des comptes. En ce qui concerne Fortis, le sacro-saint principe de la concurrence non faussée n'est pas violé, selon la DG4. Car la banque belgo-néerlandaise, d'abord renflouée pour éviter la faillite, est privatisée ensuite, l'essentiel de ses activités bancaires et d'assurance étant cédées à BNP Paribas. On respire. Les aides d'État ne sont admises que s'il y a restructuration derrière. D'où ce commentaire entendu à Bruxelles?: « La DG4 a d'abord cédé du terrain, car l'ampleur de la crise financière était grande, et elle ne pouvait ajouter une crise à la crise. C'est un peu comme l'Église qui, ne pouvant empêcher l'amour, a autorisé le mariage. » 1941?: naissance à Rotterdam (Pays-Bas) de Neelie Kroes.1965 : docteur en économie.1977-1989?: responsabilités gouvernementales.2000 : administratrice de plusieurs sociétés.2004 : commissaire européenne à la Concurrence.
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