Chasse aux pirates de l'Internet

L'examen de la loi de lutte contre le piratage sur Internet, qui commence ce soir au Sénat, risque de réveiller des démons endormis. On se souvient de la polémique nationale d'il y a trois ans, lors du vote de la précédente loi (dite Dadvsi). On s'attend en tout cas à un débat plus consensuel au Sénat qu'à l'Assemblée nationale, où le texte sera examiné début 2009. Il n'y aura qu'une seule lecture, l'urgence ayant été déclarée. La ministre de la Culture, Christine Albanel, a tout fait pour déminer le terrain. Elle explique que la nouvelle loi ? baptisée « création et Internet » ? constitue un progrès par rapport au droit actuel. En effet, jusqu'à présent, l'industrie culturelle doit passer par les tribunaux pour poursuivre les pirates. Selon un bilan officiel, des amendes de 500 à 3.500 euros sont infligées, avec parfois la confiscation du matériel, voire des peines de prison de un à trois mois, en général avec sursis. exécution immédiateDésormais, le pirate sera passible d'une coupure de son accès à Internet. Et celle-ci n'aura eu lieu qu'après l'envoi d'un courrier électronique d'avertissement, puis d'une lettre recommandée. C'est la « riposte graduée ». Ce processus sera mené à large échelle. Le ministère de la Culture prévoit, chaque jour, l'envoi de 10.000 courriers électroniques et de 3.000 lettres recommandées, ainsi que 1.000 décisions de coupure de l'accès. Autrement dit, en un an, 20 % des internautes français pourraient recevoir un e-mail d'avertissement ! Autre nouveauté : la sanction sera infligée non par la justice, mais par une autorité administrative indépendante créée par la loi, l'Hadopi. Dans son rapport, le sénateur UMP Michel Thiollière rappelle que la sanction administrative présente moult « avantages » par rapport à une procédure pénale : « Elle est immédiatement exécutoire, infligée sans saisine préalable d'un juge et sans délai, et selon une procédure plus facile à mettre en ?uvre. »esprit de consensusInitialement, ce principe de la riposte graduée suscitait un large consensus, hormis chez les associations de consommateurs telle UFC-Que choisir. Mais, fait nouveau, les fournisseurs d'accès à Internet le soutenaient aussi. Ils avaient participé à la mission menée par Denis Olivennes, puis signé il y a un an les accords dits de l'Élysée et avaient apprécié que les accords trouvent un équilibre entre la carotte et le bâton, autrement dit qu'ils prévoient, à côté des sanctions, des mesures pour développer la vente légale de musique et de films sur Internet. Mais ce consensus a disparu. La loi est ouvertement critiquée par les opérateurs Internet, qui regrettent qu'aucun progrès n'ait été fait côté offre légale. Certes, les accords reportaient la plupart des mesures concernant l'offre légale après l'entrée en vigueur de la loi. Mais des discussions devaient être ouvertes sur le délai de disponibilité des films en vidéo à la demande. Las ! La réunion sur le sujet prévue au CNC (Centre national du cinéma) a été reportée trois fois, et, aujourd'hui, plus aucune date n'est annoncée. Les rapporteurs du texte au Sénat tentent donc de rééquilibrer le texte pour renouer avec l'esprit de consensus qui régnait il y a un an. Bruno Retailleau (MPF) veut ainsi remplacer la coupure de l'accès ? « une mesure injuste qui peut aussi priver l'abonné du téléphone » ? par une amende, qui serait reversée aux artistes. Hier soir, un amendement en ce sens a été voté par la commission des Affaires économiques. Mais le ministère de la Culture entend s'y opposer.Jamal He
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