Le plan de sauvetage d'Eurotunnel plébiscité par ses actionnaires

La direction d'Eurotunnel peut pousser un soupir de soulagement. Le plan de restructuration de la dette du concessionnaire du tunnel (69,4 milliards de francs) a été adopté par 98 % des actionnaires d'Eurotunnel Plc et dans une fourchette se situant entre 96 % et 97 % pour Eurotunnel SA. Des chiffres largement supérieurs à la majorité requise : deux tiers des votants en France et 75 % en Angleterre. Pourtant, ces assemblées générales mixtes du groupe, convoquées hier après-midi au Palais des congrès à Paris, ne s'annonçaient pas sous les meilleurs auspices. Dès la sortie de l'escalator menant au grand auditorium, les actionnaires ont d'abord assisté à un échange d'insultes entre Christian Cambier, président de l'Association des actionnaires d'Eurotunnel (AAE, l'une des deux associations de petits porteurs) favorable au plan, et Albert Jauffret, président de l'Adacte (l'autre association) farouchement opposé à la restructuration financière. Affublé d'un panama en guise de signe de protestation, par référence au célèbre scandale du canal, Albert Jauffret s'est refusé à signer l'acceptation des pouvoirs donnés par ses mandataires. En vain. « Retour à la normalité financière. » A 14 h 50, Patrick Ponsolle, président exécutif du groupe, annonce aux quelque 3.000 actionnaires présents que « le quorum de 25 % est atteint », sans donner de chiffre précis. Le premier obstacle vient d'être franchi. L'assemblée peut donc valablement délibérer, en présence d'un huissier, nommé par le tribunal de commerce à la demande d'Eurotunnel. La majorité de la salle applaudit mais lazzis et quolibets n'ont cessé ensuite de ponctuer les déclarations de Patrick Ponsolle. Celui-ci s'est attaché pendant près de 45 minutes à convaincre les actionnaires du bien-fondé de ce plan. Et si la majorité de la salle semblait acquise au président, une poignée d'irréductibles s'est employée de son côté à perturber le déroulement de l'assemblée. Des éclats de rire fusent lorsqu'il fait valoir que l'extension de la concession permettrait aux actionnaires actuels de toucher des dividendes pendant une plus longue période. Puis la tension monte lorsque Patrick Ponsolle présente la perspective offerte par le plan d'un « retour à la normalité financière ». Et c'est à l'évocation du reversement d'une partie des bénéfices aux gouvernements à partir de 2052 que la colère de certains actionnaires éclate : « vendu », « Ponsolle complice », « Ponsolle escroc ». L'exposé des commissaires aux comptes sur la rémunération des dirigeants ne les calme pas davantage. Bien au contraire. « Hors effet de change, les rémunérations des dirigeants n'ont augmenté que de 0,8 % en 1996 », indique-t-il. « C'est déjà trop », rétorque un petit porteur. Perturbations. Soudain, un actionnaire belge, qui tentait de prendre la parole depuis un moment déjà, monte à la tribune, malgré le service de sécurité qui essayait de l'en empêcher. Patrick Ponsolle lui laisse finalement la parole, avant que la majorité de l'assistance ne le contraigne à redescendre en raison de la longueur de son intervention. Cet incident sera à l'origine d'une foire d'empoigne entre partisans et opposants au plan, un Anglais se précipitant même sur son dictionnaire pour dire « mettre à la porte » à un Français trop vif à son goût. La traditionnelle séance de questions-réponses sera chargée, tant les actionnaires mécontents se succèdent aux micros sur le thème : « Vous nous mentez, vous avez donné la part belle aux banques ». A 18 h 15, tombe le chiffre définitif du quorum d'Eurotunnel SA : 29,62 %, soit bien plus que les 25 % requis et les 19 % obtenus lors de l'assemblée de l'an dernier. Il y a un mois, personne ne se serait risqué à un tel pronostic. Pascale Mollo
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