Carol Duval-Leroy, première dame du champagne

Étant femme et belge, dans un univers aussi masculin et fermé que celui du champagne, le pari était loin d'être gagné. Mais Carol Duval-Leroy est parvenue à se faire adopter par la profession. Elle vient même d'être nommée à la présidence de l'Association viticole champenoise (AVC) par les deux instances qui cogèrent l'activité de la Champagne : l'Union des maisons de champagne (UMC, qui regroupe les négociants) et le syndicat des vignerons. L'AVC a pour mission d'encourager l'innovation technique puis de diffuser l'information vers l'ensemble de la filière." Je suis la première femme qui accède à cette fonction ", note-t-elle avec une pointe de fierté. À la tête de plus de 200 hectares de vignoble en Champagne, elle est parvenue à hisser sa maison parmi les dix premières tout en conservant son indépendance, un fait de plus en plus rare dans la région. " Lorsque je me suis retrouvée seule pour diriger cette maison en 1991 à la mort prématurée de mon mari, les banques ont accouru pour me trouver des partenaires, confie-t-elle. Je les ai repoussées car cette maison, fondée en 1859, doit rester dans la famille. Ainsi, nous n'avons de comptes à rendre à personne. L'indépendance nous permet de proposer beaucoup de vins différents, de tenter des cuvées. Nous faisons presque du sur-mesure. La liberté, c'est ce qu'il y a de plus beau. "LES ATOUTS DES GRANDES MARQUESCertes. Mais en l'espace de dix ans, l'univers concurrentiel de la Champagne a changé. Alors que la maison Duval-Leroy se battait pour sa survie en se repositionnant sur le haut de gamme et en quittant peu à peu les rayons de la grande distribution, d'autres étendaient leur emprise. De grands groupes se sont constitués : LVMH (Moët & Chandon, Dom Pérignon, Veuve Clicquot, Ruinart et Mercier), Boizel Chanoine Champagne (Boizel, Chanoine, Lanson, de Venoge), Vranken Monopole (Vranken, Pommery, Heidsieck, Charles Lafitte) ou encore Pernod Ricard (Mumm, Perrier-Jouët). Avec 5,5 millions de bouteilles vendues, Duval-Leroy est dix fois plus petite en taille que le numéro un, LVMH. Dès lors, la marque dispose de beaucoup moins de moyens pour se faire connaître. " Quand un client a le choix entre un Pommery, un Ruinart ou un Duval-Leroy, à niveau de prix égal, souvent, il ne choisira pas notre marque car il ne la connaît pas ", regrette Carol Duval-Leroy.Malgré cela, elle n'affiche pas de rancoeur à l'égard de ses compétiteurs. " Ces grands groupes, LVMH en tête, sont une vraie locomotive pour la Champagne. Les moyens qu'ils déploient ont une répercussion sur l'ensemble de la filière et la demande. Notamment à l'étranger où ils ont ouvert de nouveaux marchés. La Champagne ne serait paslà où elle en est sans eux ", assure-t-elle.En 2007, les ventes de champagne ont atteint un record de 338 millions de bouteilles, en progression de 5,3 %. En développant les exportations, ces grands groupes ont aussi poussé à la montée en gamme. Car les quantités disponibles ne sont pas extensibles à l'infini dans la mesure où le périmètre qui bénéficie de l'appellation officielle est limité à 35.000 hectares. Les maisons de champagne préfèrent donc utiliser le raisin récolté pour des produits plus élaborés - et donc vendus plus chers.CHAMPAGNE BIOMais certains désirent aller plus loin et, pour cela, voir étendre le domaine. Son périmètre n'a pas été modifié depuis 1927. À deux reprises, on a pensé à le réviser, mais le dossier a été refermé avant d'aboutir. Cette fois-ci il est bel et bien ouvert. L'Institut national de l'origine et de la qualité (Inao) doit donner en mars son avis sur une liste de communes qui devraient bénéficier de l'appellation. Mais il ne s'agira pas obligatoirement d'un agrandissement du domaine puisque certaines communes pourront perdre l'appellation. " Je vous prédis une belle foire d'empoigne pendant les deux ou trois ans à venir. Ensuite, il faudra obtenir des droits de plantation, puis attendre trois ans pour voir apparaître les premières grappes de raisin, prévient-elle. Donc il ne faut pas attendre d'effet de cette révision avant 2020. "En attendant, Carol Duval-Leroy n'entend pas faire de la figuration à la tête de la présidence de l'AVC. Le 3 mars, elle a prévu de réunir les membres du conseil d'administration autour d'une trentaine de personnes de la filière qui produisent du champagne bio. " Il ne faut pas rester campés sur ses vieilles habitudes. Il est temps de s'intéresser à ces nouvelles pratiques ", lance-t-elle.ParcoursNée à Uccle (Belgique) le 27 juillet 1955, Carol duval-leroy a effectué ses études de sciences économiques en Belgique. En 1980, elle épouse Jean-Charles Duval-Leroy qui disparaîtra prématurément en 1991. À partir de cette date, elle a repris les rênes de la maison familiale. Depuis cette année, elle est la présidente de l'Association viticole champenoise.
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