La victoire d'un "revenant" de la télé payante

Qui aurait parié, à l'été 2002, que Canal Plus redeviendrait le pivot du paysage de la télévision payante française ? Le groupe, pris dans la déconfiture financière de son actionnaire, Vivendi Universal, était alors considéré comme en bout de course : il avait perdu son âme avec l'éviction du "père" Pierre Lescure, qui l'avait entraîné dans l'aventure VU après avoir dilapidé sa richesse dans une dispendieuse expansion internationale ; le modèle économique de sa chaîne premium basé sur une offre d'exclusivités cinéma et sport était dépassé avec la multiplication de chaînes cinéma, la généralisation du DVD... Quand Jean-René Fourtou, prenant les rênes de VU, avait fait le tour des acteurs du paysage audiovisuel français pour leur proposer Canal Plus, personne, et surtout pas le groupe Lagardère, déjà actionnaire à 34 % du bouquet CanalSatellite, n'en avait voulu.La cession des actifs périphériques au métier de la télévision payante en France (Canal Plus Technologies, le bouquet Télépiù en Italie, les filiales nordiques ou du Benelux, la majorité de la participation dans Soggecable en Espagne) s'effectue de 2002 à 2004. En parallèle, s'effectue la recomposition de Vivendi autour de quatre métiers : les télécommunications, avec le renforcement dans SFR et dans Maroc Télécom, les jeux vidéo (VUG), la musique (Universal Music Group) et la télévision. Dès lors, Canal Plus devient un des piliers de ce nouveau VU, qui veut reposer sur les télécommunications et les médias.L'actionnaire se montrera donc généreux, rayant en décembre 2003 d'un trait 3 milliards d'euros de dettes de sa filiale constituées d'un compte courant d'actionnaire. Il est vrai que le groupe Canal Plus, sous l'impulsion de Bertrand Meheut, au prix d'un plan social et de réductions de coûts, a renoué avec les bénéfices opérationnels. En 2004, la chute de la chaîne premium Canal Plus est enrayée ; pour la première fois depuis 2000, elle regagne des abonnés.VU n'hésite donc pas à soutenir à nouveau Canal Plus lors de l'appel d'offres sur les droits de la Ligue 1 de football, une première fois en décembre 2003 où l'appel est finalement annulé puis fin 2004. La victoire chèrement emportée après le coup de bluff de TPS - 600 millions d'euros par an - pose toutefois la question de la rentabilité à terme d'un groupe dont le résultat d'exploitation atteint à peine 200 millions d'euros en 2004 pour 3,5 milliards d'euros de chiffres d'affaires. Alors que les avancées technologiques, comme la télévision sur mobile, sur ADSL ou la vidéo à la demande, ouvrent un nouveau front concurrentiel avec les opérateurs télécoms, Canal Plus a donc réussi à pousser son avantage et à amener son rival à négocier.I. R.Lagardère entend participer à la noceArbitre ou dupé ? Chez Lagardère, on se félicitait hier du projet de mariage entre les deux bouquets, tout en précisant que les discussions avec Vivendi sur un échange des 34 % de Lagardère dans CanalSatellite contre une participation dans Canal Plus se poursuivaient. Le groupe dirigé par Arnaud Lagardère risque cependant de se voir marginaliser. On ne voit pas comment en effet il conserverait sa fameuse minorité de blocage. A moins que Vivendi ne lui demande d'ouvrir les cordons de sa bourse, ce qui lui permettrait d'augmenter sa participation dans le nouvel ensemble. Or le groupe de Jean-Bernard Lévy n'a pas besoin du cash de Lagardère pour mener à bien son deal... S. B.
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