Tombé du ciel

Cela fait longtemps que j'avais envie de parler de ces gens qui enlèvent des bébés par amour", avoue Maria Victoria Menis, la réalisatrice d'El Cielito. Inspiré d'un fait divers réel, son film raconte comment Félix, jeune vagabond fauché, découvre un bébé pris en tenaille entre des parents indignes et décide de l'emmener avec lui. Un thème sensible que la cinéaste aborde tout en finesse, dans une économie de mots, de moyens et d'effets qui donne à son film une fraîcheur rare.Avec des images et une lumière soignée et crue qui se rapprochent du documentaire, des fonds sonores très présents, la réalisatrice donne vie à ses décors, de l'immobilisme de la campagne argentine au brouhaha de Buenos Aires. La délicatesse de la réalisation tranche avec la dureté du propos. Dans le portrait des gens autant que du pays, Maria Victoria Menis ne fait pas de concessions à la corde sensible. Elle montre en toile de fond la détresse sociale et la violence qui règnent en Argentine. Violence sourde dans les campagnes écrasées par la chaleur et les non-dits, brutalité immédiate dans les villes où la pauvreté et la mort vous tombent dessus d'un coup, comme une mauvaise nouvelle un jour d'anniversaire. La fin du film, abrupte, atroce, surprenante, met un coup de poing final poignant à ce récit tendre et terrible à la fois.Grande complicité. L'histoire est celle de Félix, beau gosse solitaire de 21 ans qui bat la pampa en fumant des pétards. Il tombe sur Roberto, ouvrier au chômage, qui offre de l'accueillir dans sa ferme en échange de quelques menus travaux - occupée à élever leur bébé, sa femme ne peut plus s'en sortir seule. Les regards échangés par l'inconnu et la fermière font d'abord craindre une tragédie bucolique sur un amour impossible entre une femme malheureuse et l'énigmatique apollon des campagnes. Mais le film évite cet écueil et prend un chemin autrement plus délicat. C'est du visage poupin du nouveau-né, Chango, dont notre héros tombe amoureux.Une grande complicité s'installe entre l'enfant et le vagabond dès le premier regard. Entre une mère suicidaire qui patauge dans son mal de vivre et un père violent, Félix se sent responsable du garçonnet et se persuade qu'il est sa seule chance de salut. Il apprend à s'en occuper, remplace ses parents qui le délaissent. Croyant le sauver du désastre, il finit par s'enfuir avec lui vers Buenos Aires où il se retrouve confronté à l'enfer de la misère urbaine.Sans porter de jugement sur cet acte jugé comme répréhensible, Maria Victoria Menis met le spectateur devant un cas de conscience et le laisse libre de son opinion.François Gaertne
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