"Sortir Mozart de la bonbonnière"

Tension maximale à l'Opéra Garnier où se prépare un Don Giovanni annoncé comme le choc de la saison lyrique. Sold out depuis plusieurs mois, le spectacle donné à partir de ce soir est mis en scène par le cinéaste autrichien Michael Haneke, auteur de films électrochocs (la Pianiste, Caché, etc.). Malgré le secret absolu sur cette production, on a pu savoir que le décor est très contemporain : un building de verre dans un quartier d'affaires, du type La Défense. Et que pour refléter la société multi-ethnique qui est la nôtre, Haneke a engagé des solistes noirs pour faire les choeurs.Tout émoustillé par la perspective d'un scandale, le patron de l'Opéra de Paris, Gérard Mortier, nous reçoit à Garnier et s'explique sur ses choix.Pourquoi avoir choisi pour "Don Giovanni", opéra favori des Français, la salle de Garnier bien plus petite que celle de Bastille ?- Parce que l'Opéra Garnier est la maison la mieux adaptée pour les opéras de Mozart. Toutefois, vu la demande et considérant qu'il y a une dimension mythique dans Don Giovanni, la reprise se fera l'an prochain à la Bastille (1). Ce qui ne sera pas le cas pour les Noces de Figaro que nous donnerons en mars (2) ni pour Cosi fan tutte, donné à l'automne dernier (3), qui resteront à Garnier.Le metteur en scène Michael Haneke que vous avez choisi n'est pas connu pour des films très souriants.- Il faut en finir avec la vision romantique de Don Giovanni née au XIXe siècle. Hoffmann, notamment dans un conte, l'avait montré comme un homme en quête de transcendance, d'absolu dans l'amour. Or le vrai Don Giovanni est un personnage très noir. Le titre de l'opéra de Mozart est Il dissoluto punito ossia il Don Giovanni ["le Dissolu puni ou le Don Giovanni"]. Dès son apparition sur scène, ce Don Juan se montre deux fois criminel : il viole Donna Anna et assassine son père. Mozart le voit comme un homme dangereux, un libertin qui se moque du mariage, un aristocrate arrogant qui remet en question les bases d'une bonne société. Michael Haneke montre avec réalisme sa violence, sa double vie, sa noblesse de façade qui cache ses turpitudes. Comme bien des puissants aujourd'hui.En tant qu'ancien directeur de Salzbourg, que pensez-vous du programme de l'année Mozart en Autriche ?- Je pense qu'on parle de Mozart en termes très commerciaux, on en fait un éternel adolescent. Or, pour moi, Mozart est un génie très impliqué dans son temps, qui a bien vu la nouvelle classe bourgeoise se mettre en place. Il faut sortir Mozart de la bonbonnière. Donner à Salzbourg ses 22 opéras me semble un catalogue très ennuyeux, tout ne mérite pas d'être repris ! Je préfère le projet de Peter Sellars qui, à Vienne, part de Mozart pour des créations contemporaines.Propos recueillis par Noël Tinazzi(1) Du 20 janvier au 17 février 2007.(2) Du 11 mars au 4 avril 2006. Reprise du 5 au 27 avril 2008.(3) Reprise du 23 octobre au 10 novembre 2006.Tél. 08.92.89.90.90 - www.operadeparis.f
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