Le casse des cassés

"La raison du plus faible... " est-elle toujours la meilleure ? En retournant le sens de la fable fameuse de La Fontaine et en sous-entendant la question sans y répondre, Lucas Belvaux donne le ton dès le titre. On a affaire ici à un film hors norme qui soulève une foule de questions sans réponses, une comédie sur fond de tragédie sociale, un hymne à la solidarité dans l'adversité, un thriller haletant inspiré d'un fait divers réel, une fable noire sans jugement moral, ni misérabilisme, ni héroïsme... bref un film qui transcende les genres cinématographiques et laisse s'enchaîner l'inexorable fatalité des faits.Les personnages sont des Pieds nickelés de la déshérence industrielle, des mousquetaires de l'injustice, métallurgistes au chômage révoltés contre leur situation d'assistés, qui voient dans le braquage de l'organisateur de la casse sociale le moyen de réparer l'outrage. Avec ce film présenté en compétition officielle au dernier Festival de Cannes, Lucas Belvaux confirme le retour en force du cinéma belge, dans la foulée des frères Dardenne. Après une première brillante comédie Pour rire (1996), Belvaux, également acteur, affirmait son style très personnel et toujours grand public, dans une trilogie bien maîtrisée dont chacun des volets évoquait la même histoire selon un point de vue et un genre cinématographique différents.Cette fois, il s'agit donc d'un braquage. Les acteurs n'en sont pas des pros, mais des gens ordinaires, une " Belle équipe " dans la lignée du film de Julien Duvivier sorti en 1936. Cette petite société de fortes têtes, incarnées par des acteurs formidables, passe son temps et sa rancoeur en tapant le carton dans un bistro de la banlieue de Liège. Comme toujours, le drame démarre à partir d'un petit grain de sable anecdotique mais révélateur. La mobylette de Carole est tombée en panne. Cette jeune mère de famille (Natacha Régnier) ne peut se rendre à la blanchisserie industrielle où elle gagne péniblement la vie du ménage. Son mari, malgré ses diplômes, croupit au chômage (Éric Caravaca).Sauver la face. Pour ce jeune homme orgueilleux, voir son beau-père offrir une Vespa rutilante à sa fille est une offense d'autant plus insupportable qu'il lui fait sentir tout son mépris. Seule consolation, la solidarité des compagnons de bistro. Dont deux braves gars, Pierre et Robert, anciens métallos au chômage (Patrick Descamps et Claude Semal) qui se triturent la cervelle pour trouver le moyen de sauver la face du jeune père chômeur. Pourquoi pas le Loto ?Une solution beaucoup plus radicale mais nettement plus risquée viendra du quatrième comparse, Marc (Lucas Belvaux, maître du jeu), un petit délinquant en liberté surveillée qui voudrait se ranger des voitures. De son passé, Marc a conservé le sens de l'organisation des casses. Pour les trois chômeurs, il va en concocter un qui semble imparable. Mais qui ne le sera pas. Car, bien sûr, rien ne se passera comme prévu. On ne fait pas si aisément justice de l'injustice.
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