L'assurance à l'aube d'une révolution comptable

Si l'assurance est souvent mal valorisée par les marchés, c'est largement parce que la comptabilité classique peine à refléter les spécificités de cette activité, et qu'en l'absence d'un standard commun, les comptes des assureurs varient d'un pays à l'autre. Un double verrou que l'IASB, l'entité indépendante qui édicte les normes comptables internationales IFRS, espère faire sauter avec la deuxième phase de son projet IFRS 4 sur les contrats d'assurance, soumis à consultation jusqu'à fin novembre. Après de longues années d'attente, c'est une petite révolution qui se prépare. « Au lieu de l'approche classique basée sur la comparaison des primes perçues et des prestations versées, le projet propose une présentation du résultat par les marges, ce qui doit permettre de mieux comprendre sa formation », explique un spécialiste des IFRS au sein d'un grand cabinet d'audit. Le principe : décomposer les passifs liés aux contrats d'assurance en quatre blocs. D'abord, les flux de trésorerie futurs, estimés et pondérés selon la probabilité que leur accorde l'assureur. Ensuite, l'actualisation de ces flux selon un taux censé refléter la structure du passif, et qui peut donc être ajusté d'une prime d'illiquidité. Réclamée par la profession, « cette prime pourrait nuire à la comparabilité, voire inciter les assureurs à surestimer cette prime pour doper la valeur comptable de leurs contrats », s'inquiète un analyste. Le troisième bloc consiste en une « marge pour risque » censée capturer l'incertitude inhérente aux estimations de « cash-flow ». Enfin, le modèle introduit une « marge résiduelle » correspondant à l'écart entre les trois premiers blocs et le prix du contrat, de façon à éviter la comptabilisation d'un « profit à l'origine ». Cet excédent sera transféré au résultat linéairement sur toute la durée de la couverture, au grand dam des assureurs, qui souhaitaient pouvoir l'utiliser pour absorber les chocs de sinistralité. « À l'arrivée, ce projet de norme permet une évaluation homogène des contrats d'assurance, vie et non vie, qui devrait permettre une meilleure comparabilité des comptes des assureurs. Mais au prix d'une volatilité accrue du résultat, qui sera affecté par toutes les variations des passifs, qu'elles soient liées à l'évolution des estimations, du taux d'actualisation ou de la marge pour risque », analyse un commissaire aux comptes spécialiste de l'assurance. Pour Jean-Michel Pinton, responsable comptabilité groupe de CNP Assurances, « ce texte propose des avancées importantes, mais il reste de vrais problèmes à résoudre, notamment pour assurer sa cohérence avec Solvabilité 2 et IFRS 9 », le nouveau cadre prudentiel du secteur et la réforme de la comptabilité des instruments financiers, tous deux applicables en 2013, comme IFRS 4. Sans compter que le texte diverge des normes américaines sur plusieurs points importants.
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