L'éditorial de Sophie Gherardi

Le chiffre est énorme, effrayant. Le taux de chômage espagnol a atteint 20,09 % au deuxième trimestre. Trois ans plus tôt, il était de 7,95 %. Il faut imaginer les multiples détresses qui se cachent sous la statistique. Cent candidats pour le moindre job. Pour les jeunes qui terminent leurs études?: pas de débouchés. Pour les nombreux immigrés d'Amérique latine, du Maghreb ou d'Europe centrale?: plus rien. Pour les femmes, récentes venues sur le marché du travail?: des bribes d'emploi. Les loyers qu'on ne peut plus payer, les traites qu'on ne peut plus honorer, les enfants qu'on a du mal à habiller et à nourrir. La récession qui s'autoalimente. Certes, l'Espagne a longtemps été la lanterne rouge du chômage en Europe, avec des taux supérieurs à 15 %, mais c'était il y a plus de dix ans. Le chef du gouvernement espagnol, José Luis Rodriguez Zapatero, se démène pour tenter de limiter les dégâts, mais on ne réoriente pas en deux ans tout un modèle économique. Le filet de protection sociale est plus lâche de l'autre côté des Pyrénées que chez nous. Il en découle que les chômeurs ne peuvent pas survivre longtemps avec les allocations. Des travailleurs ayant perdu espoir vont quitter en masse l'Espagne. C'est déjà le cas de beaucoup de Latino-Américains. Mais la question va vite se poser pour les Espagnols eux-mêmes. Dans les années 1950 et 1960, ils ont émigré par centaines de milliers vers les économies plus développées du nord de l'Europe. Leurs enfants et petits-enfants vont-ils faire de même aujourd'hui?? Juridiquement, le marché unique européen le permet, plus facilement que naguère. Mais il n'y a plus de vive croissance en Europe qui appelle de la main-d'oeuvre. Et les Espagnols ont entre-temps goûté à la prospérité. Il existe une rigidité chronique du marché du travail européen. Avec l'impossibilité d'ajuster les parités et de fournir une aide budgétaire aux régions les plus déprimées, c'est le plus gros problème de la zone euro. [email protected]
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