Free Mobile, recettes d'un succès éclair… mais fragile ?

« Aucun opérateur mobile dans le monde, dans l\'histoire même, n\'a été rentable aussi vite. » Ce n\'est pas un dirigeant de Free qui le proclame, mais un analyste financier, pourtant loin de faire partie des adulateurs inconditionnels. Il est vrai que les résultats semestriels de l\'opérateur forcent le respect : dix-huit mois après le lancement de Free Mobile, l\'activité est déjà profitable, dégageant un résultat brut d\'exploitation de 54 millions d\'euros sur le premier semestre, soit 9% de marge d\'Ebitda. « Nous avions toujours dit que nous serions plus ou moins à l\'équilibre quand nous atteindrions 10% de part de marché. Nous avons atteint désormais la taille critique. La rentabilité vient naturellement avec la montée en puissance de notre réseau. Nous avons validé la pertinence de notre modèle, vertueux, intégré fixe-mobile : les cash-flows de l\'ADSL viennent financer nos investissements dans le mobile » a fait valoir Thomas Reynaud, le directeur financier, ce lundi, lors d\'une conférence de presse au siège d\'Iliad, la maison-mère.Plus de 35% du trafic serait écoulé sur le réseau de Free MobileSi le réseau de Free Mobile couvre désormais plus de 50% de la population, l\'opérateur, qui bénéficie du filet de sécurité du réseau d\'Orange, qu\'il loue au prix fort (1 milliard d\'euros sur 2012-2013), écoulerait entre 35% et 40% de son trafic mobile sur son réseau, selon l\'estimation d\'un analyste. Et l\'opérateur a « peu de coûts de structure, il centralise tout, n\'a pas de consultant ou de sous-traitant » relève un autre expert. Autre clé de la recette du succès : l\'essor commercial fulgurant, à savoir 6,79 millions d\'abonnés à fin juin, dont plus de la moitié au forfait à 2 euros, car « l\'important c\'est le nombre d\'abonnés, même à 2 euros ou zéro euro » explique un analyste.Ceci tient au petit traitement de faveur temporaire dont Free a bénéficié en tant que nouvel entrant sur les tarifs de gros d\'interconnexion, les terminaisons d\'appel mobile, comme Bouygues Telecom en son temps. A chaque appel vers un de ses abonnés, Free empoche un peu plus d\'un centime d\'euro (1,1 centime contre 0,8 pour Orange, SFR et Bouygues Telecom). Ou du moins empochait puisque depuis le 1er juillet, le tarif est désormais aligné sur celui des concurrents, sans différentiel. Free aurait ainsi généré près de 20% de son chiffre d\'affaires mobile (soit plus de 100 millions d\'euros sur les 535 millions du semestre hors vente de téléphones) grâce aux terminaisons d\'appel, selon les calculs d\'un expert.L\'effet subvention de smartphones, créateur ou destructeur de valeur ?Du coup, l\'opérateur prévient que « la marge brute de l\'activité mobile ne bénéficiera plus de cet effet d\'asymétrie des terminaisons d\'appels, ce qui pèsera sur la rentabilité. » Cette baisse de 27% de la terminaison d\'appel vocal fera « diminuer le chiffre d\'affaires et la marge du groupe générés par les communications entrantes » reconnaît Free dans son rapport de gestion. « Notre marge d\'Ebitda sera à peu près stable en valeur absolue au second semestre » nuance Thomas Reynaud, grâce à l\'amélioration de la couverture du réseau en propre, car le déploiement va s\'accélérer. « On n\'en a rien à faire du prochain trimestre. Nous avons une vision de long terme. Notre idée est de faire basculer les abonnés à 2 euros vers un forfait à 15,99 euros » confie le directeur financier.>> Lire aussi : Smartphone subventionné ? Pas une si bonne idée selon l\'OCDEMais, deuxième effet qui va clairement peser sur les marges : le lancement d\'offres incluant une forme de subvention à l\'achat des téléphones mobiles, qui aura « un effet dilutif sur douze mois puis un effet fortement relutif », autrement dit coûtera de l\'argent au début mais en rapportera à moyen terme. Free n\'a fourni aucune précision sur le calendrier ou le type de forfait avec subvention, « informations trop sensibles dans un univers aussi concurrentiel : on ne va pas forcément répliquer ce que l\'on a fait sur vente-privée.com » a déclaré Maxime Lombardini, le directeur général d\'Iliad. « Si Free subventionne 200 ou 300 euros sur un smartphone, ce ne sera pas rentable sur les six premiers mois, mais ça le sera sur 12 ou 24 mois et ce sera à terme un vecteur de création de valeur » estime un analyste.Le combat de Noël sur la subvention ou la 4G ?Xavier Niel, qui a une fois encore snobé la conférence de présentation des résultats à la presse, aurait indiqué aux investisseurs que ces forfaits avec subvention auront « des marges brutes au moins égales à 50%. » Ces nouvelles offres, vraisemblablement avec engagement, ce qui marquerait une rupture totale de Free avec sa philosophie commerciale de « libert頻, seront lancées avant la fin de l\'année, « peut-être courant octobre pour embêter Bouygues Telecom qui va lancer sa 4G » prédit un expert. Mais pour Maxime Lombardini, « il ne faut pas partir de l\'idée que le combat de Noël sera celui de la 4G. Nous pensons que ça ne va pas aller si vite que ça, pas loin de 40% du parc est encore 2G. Cela ne veut pas dire qu\'il n\'y a pas de futur pour la 4G. Elle est au cœur de notre déploiement, tous nos sites sont compatibles. On s\'y prépare. Nous n\'avons pas l\'intention d\'être passifs sur la 4G. » Si les concurrents se montrent agressifs commercialement sur les subventions de terminaux, Free ne pourra pas rester spectateur et devra trouver la parade pour éviter que les consommateurs se réengagent en masse pour deux ans chez les trois autres opérateurs… Du moins s\'il veut continuer à gagner des parts de marché et approcher les 15% comme il l\'assure.>> Lire aussi : Free et la 4G, pourquoi la Toile s\'emballeLa rumeur CAC 40Aux yeux des investisseurs, le pari de Free Mobile est déjà gagné. L\'action Iliad a encore battu ses records historiques lundi, flirtant avec les 189 euros, et pèse plus de 10 milliards d\'euros (+42% depuis janvier), soit la moitié d\'Orange ou de Vivendi. Entrée en décembre dernier dans le CAC Next 20, l\'antichambre du CAC 40, la valeur pourrait bien rejoindre l\'indice des stars de la cote parisienne : elle capitalise davantage que neuf des membres du CAC (Legrand, Bouygues, Cap Gemini, etc). Seul son capital flottant relativement limité (40% soit tout de même 4 milliards d\'euros) pourrait la pénaliser au profit d\'un Dassault Systèmes notamment. Mais chez Iliad, la perspective d\'une entrée au CAC 40 semble susciter un sentiment de gêne : « Free et CAC 40, c\'est un peu antinomique, non ? » glisse un des dirigeants. Le groupe, dont Xavier Niel détient encore 58,6% du capital, et dont la moitié des investisseurs sont anglo-saxons, n\'a pas forcément envie d\'une telle consécration, un peu trop institutionnelle pour le pourfendeur de l\'ordre établi...
Commentaire 0

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

Il n'y a actuellement aucun commentaire concernant cet article.
Soyez le premier à donner votre avis !

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.