Poker menteur entre l'État et le fonds souverain du Qatar autour d'Areva

En annonçant mercredi l'intention de l'État de participer à la recapitalisation d'Areva, Christine Lagarde a enterré l'augmentation de capital du groupe nucléaire telle qu'elle était étudiée depuis dix-huit mois. Bercy travaille aujourd'hui sur une opération en deux temps. À court terme, une levée de fonds avec le fonds souverain du Koweït et l'État lui-même. Le premier apporterait 750 millions d'euros, le second 250 millions, selon le « Financial Times ». L'apport de l'État proviendrait, selon Bercy, d'un arbitrage dans son portefeuille de participations. Au premier semestre 2011, l'État envisage un second tour de table « industriel » avec les candidats intéressés, notamment EDF, Alstom et Mitsubishi écarté du premier tour.L'échec des négociations de l'État avec le fonds souverain du Qatar (QIA), pressenti pour prendre près de 10 % d'Areva, reste cependant au coeur de ce rétropédalage.Deux versions s'affrontent. Dans l'entourage d'Areva, on a vu derrière les visées sur les mines d'uranium dévoilées à la dernière minute par le QIA la main d'EDF pour faire capoter l'opération. « Faux », affirme-t-on côté qatari. « Cela fait un an que nous expliquons aussi bien à la direction d'Areva qu'à l'Élysée que nous sommes particulièrement intéressés par les actifs miniers, qui offrent un meilleur profil de rentabilité », en citant « au moins » deux rendez-vous d'Ahmed Al-Sayed, patron du Qatar Holding, avec Claude Guéant, secrétaire général de l'Élysée.L'idée d'associer le Qatar à Areva est venue du Credit Suisse, banque conseil de l'émirat, détenue à 9,9 % par le QIA, qui les a accompagnés sur les opérations Porsche, Harrod's, Vinci ou Veolia. Problème : Credit Suisse est présidé en Europe par François Roussely, à la fois ancien PDG d'EDF, proche d'Henri Proglio et auteur du rapport sur la filière nucléaire qui préconisait la séparation de l'activité minière d'Areva. « Aucun lien », rétorque-t-on côté qatari. « Enthousiastes au début, au fur et à mesure de l'examen des comptes d'Areva, nous avons demandé à être associés également aux mines, qui répondent mieux à nos critères d'investissement. »« souveraineté nationale » Devant l'absence de réponse de l'État, le QIA a exigé, récemment, un engagement écrit sur cette question. Ce qui obligeait le gouvernement à s'avancer sur une option encore non arrêtée, même si Bercy a mandaté une banque pour étudier ce scénario. Une option farouchement combattue par Anne Lauvergeon, qui a invoqué la « souveraineté nationale » pour conserver l'uranium. « Une telle séparation empêcherait surtout Areva de consentir des rabais sur la fourniture d'uranium pour décrocher un EPR », commente un analyste.L'État a néanmoins tergiversé jusqu'au dernier moment. Selon l'entourage du QIA, Nicolas Sarkozy serait sorti convaincu de ce scénario à l'issue de sa rencontre avec le premier ministre qatari mardi 23 novembre. Il aurait même chargé Claude Guéant d'accélérer le dossier « mines ». Dix jours après, aucun membre du gouvernement n'avait informé les dirigeants qataris de leur décision.
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