Les banques sont-elles trop curieuses ?

Depuis la fin de l'année dernière, difficile d'y échapper : les banques ont lancé de vastes campagnes de collecte d'informations auprès de leurs clients au travers de questionnaires qui ont fait se hérisser les cheveux sur la tête de plus d'un titulaire de compte. La Cnil (Commission nationale de l'informatique et des libertés) a recueilli une quarantaine de plaintes, et l'Association française des usagers des banques (Afub), plus de 300 (lire l'interview ci-contre). Les chargés de clientèle, eux, sont soumis à rude épreuve, face à des clients qui n'ont aucune envie de se mettre à nu...Cette soudaine curiosité n'est pas fortuite : depuis le 30 janvier 2009, les banques sont contraintes à de nouvelles obligations en matière de lutte contre le blanchiment, qui les obligent à prendre en compte « la situation professionnelle, économique et financière du client ». Pour assurer cette mission de vigilance, elles sont en droit d'exiger des justificatifs d'adresse du domicile, des activités professionnelles, des revenus et ressources, et de tout élément concernant le patrimoine. « Les banques peuvent voir leur responsabilité engagée si elles n'ont pas procédé aux vérifications pour dépister un éventuel blanchiment, susceptible de provenir d'une infraction passible de plus d'un an de prison - la fraude fiscale, par exemple », explique Dominique Doise, avocat spécialiste du droit bancaire au cabinet Alérion. Manque d'éthiqueEn outre, les établissements financiers ont un devoir de conseil depuis l'entrée en vigueur de la MIF (directive européenne sur les instruments financiers) qui doit s'appuyer sur une bonne connaissance du client - et justifie donc de l'interroger. Problème : certaines banques (Caisse d'Épargne et Crédit Agricolegricole sont pointées du doigt par l'Afub) sont allées un peu loin dans le questionnement et la recherche de justificatifs. Elles ont demandé à tous leurs clients, y compris les plus anciens et ceux qui ne réalisent ni versements de sommes inhabituelles ni placements, de répondre à l'intégralité de ces questions (chez Boursorama, les clients ont dû s'exécuter sous peine de ne pouvoir accéder à leur compte !). Avec parfois, à la clé, l'obligation d'envoyer ses justificatifs de domicile et de revenus. Surtout, entre les questions précises (composition du patrimoine...) et d'autres, plus vagues (prénoms et dates de naissance des enfants...), les établissements ont omis de préciser celles qui exigeaient une réponse légale, et celles destinées à mieux cerner le profil commercial du client. Car c'est bien ce qui est reproché à certaines banques : avoir tenté de profiter de cet environnement légal pour améliorer leurs bases de données commerciales ! « Pourtant, les informations collectées dans le cadre de la lutte contre le blanchiment ne peuvent être utilisées à des fins commerciales », explique Me Frédéric Saffroy, avocat spécialisé en informatique et libertés. Certes, tout le monde s'accorde à dire que les textes imprécis ouvrent la voie à toutes les interprétations. Mais pas toujours de bonne foi.
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