Allemagne : les Länder riches ne veulent plus payer pour les pauvres

Le financement des Länder allemand va se décider devant la Cour constitutionnelle de Karlsruhe. Ce mardi, les gouvernements de la Hesse (centre) et la Bavière tiendront un conseil des ministres commun à Wiesbaden, la capitale hessoise et décideront de porter ensemble un recours devant la Cour contre la péréquation régionale (Länderfinanzausgleich) qui détermine la redistribution des revenus fiscaux entre les Länder.Länder « payeurs » contre Länder « receveurs »La Hesse et la Bavière sont deux des trois Länder « payeurs » de la République fédérale, les 13 autres Etats fédérés recevant plus qu’ils ne donnent. Le système fiscal allemand est très centralisé : les Etats récoltent l’essentiel des revenus fiscaux, mais ces revenus sont ensuite redistribués au niveau national entre les Länder, les Communes et l’Etat fédéral. La raison de cette procédure est que l’assiette et le taux de la plupart des taxes et des impôts sont fixés au niveau fédéral en commun par le Bundestag et le Bundesrat, qui représente les Länder. La méthode de redistribution est fixée par la loi. La dernière date de 2005.En 2013, trois Länder reçoivent moins qu’ils ne donnent : la Bavière, la Hesse et le bade-Wurtemberg. Ce dernier Land ne s’est pas joint à la démarche des deux précédents car, depuis 2011, il est gouverné par une majorité de centre-gauche, les deux autres étant tenus par les Conservateurs et les Libéraux. Or, ces derniers tiennent à l’intérieur de l’Allemagne le même discours qu’en Europe : ceux qui paient doivent pouvoir contrôler les finances de ceux qui reçoivent et ceux qui ont des difficultés financières doivent ajuster leurs dépenses.Des Kindergartens gratuits avec l’argent des autres ?Le ministre président de la Hesse, le CDU Volker Bouffier résume à sa façon : « il n’est pas juste que nous payions des milliards d’euros et qu’un Land comme Berlin décide d’un trait de plume que tous les Kindergartens seront gratuits. » Et comme cela a été le cas aux débuts de la crise grecque, il n’hésite pas à fustiger ceux qui profitent avec l’argent de ceux qui travaillent. « Je ne peux supporter de voir, en tant que ministre président, que la richesse que nous avons produite dans notre propre Land aille dans un autre Land qui décide, avec notre argent, de mesures de bien-être, tandis que je dois dire à notre population : « désolé, nous ne pouvons pas le permettre », ajoute dans un entretien avec la Frankfurter Allgemeine Zeitung Volker Bouffier qui prétend cependant vouloir rester « solidaire ».Un poids financier supportableLes arguments des deux Länder ne sont certes pas dénués de tout fondement. L’échec flagrant de la construction de l’aéroport de Berlin Brandebourg a révélé certaines gabegies au niveau des Länder. L’ouverture de cet aéroport prévue en 2012 a dû être reportée au moins jusqu’en 2014. Les approximations techniques et financières ont triplé le coût de cette infrastructure. Mais il convient de rappeler que les Etats « payeurs » ont, eux aussi, connu leurs échecs (la gare de « Stuttgart 21 » en est un dans le Bade-Wurtemberg). Par ailleurs, si les sommes versés par les trois Länder paraissent importantes au niveau global (3,9 milliards d’euros pour la Bavière, 2,7 milliards d’euros pour le Bade-Wurtemberg et 1,3 milliard pour la Hesse), il est en fait modeste. Chaque Bavarois donne 309 euros par an au titre du Finanzausgleich, chaque Hessois 217 euros. Enfin, le système est lié à l’évolution de la richesse des Länder. La Bavière a longtemps été un Land pauvre et a reçu de l’argent de cette péréquation de 1950 à 1986. Il n’y a sans doute pas de scandale moral à ce qu’elle en donne aujourd’hui.Problèmes structurelsReste que le système actuel présente de vrais problèmes, notamment lié à l’existence de contrôle central (les Länder sont constitutionnellement souverains, sauf dans les domaines transférés à l’Etat fédéral) et à l’existence de \"ville-états\" très difficile à gérer. Brème, ville de 600.000 habitants, doit en théorie assurer les mêmes services que la Rhénanie du Nord Westphalie et ses 17 millions d’habitants. C’est évidemment impossible et, sans surprise, Brème est le deuxième « receveur » de la République fédérale avec 782 euros par habitants. Les Etats plaignants proposent donc que le mode de calcul de la péréquation soit modifié et que l’Etat fédéral finance davantage la ville de Berlin en raison de son statut de capitale fédérale.Des arrières-pensées politiquesDerrière cette plainte, il y a évidemment des arrière-pensées politiques. Après la défaite en Basse-Saxe, ces deux Länder sont les derniers bastions des conservateurs au niveau régional. Or, les deux gouvernements vont devoir faire face à des élections régionales dans les douze mois qui viennent. Il faut montrer aux électeurs que l’on défend leur porte-monnaie contre les menées des autres Länder. C’est aussi l’occasion de prouver combien la CDU, la CSU et le FDP défendent les avantages de ceux « qui créént de la richesse », y compris au niveau européen… Un message aussi avant les élections de septembre 2013. 
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