« ? Je ne suis pas à l'heure des bilans ? »

France Télévisions accuse une baisse d'audience en cette rentrée ?La rentrée de France Télévisions est emblématique de la stratégie que nous avons mise en place avec Patrice Duhamel depuis quatre ans : une stratégie de programmes en bouquet avec un renforcement de l'identité de chacune de nos antennes, de l'offre culturelle et un certain nombre de programmes renouvelés. Il est très tôt dans la saison pour faire un premier bilan. Nous avons enregistré un énorme succès avec la série documentaire sur la seconde guerre mondiale, « Apocalypse », sur France 2, en préparation chez nous depuis trois ans et demi. C'est l'aboutissement d'une prise de risque : mettre cette série documentaire en première partie de soirée. Le résultat est excellent à la fois en termes d'audience, d'image et de stratégie de média global : au-delà de la diffusion sur nos antennes, nous avons ouvert un portail Internet « Apocalypse », nous avons de la vidéo à la demande, des DVD, tout une panoplie offerte aux différents publics. La série a rassemblé en moyenne près de 7 millions de téléspectateurs, 13 millions ont vu au moins un épisode, 100.000 DVD ont été vendus en quelques jours.C'est une opération France 2, mais France 3 est passée pour la première fois derrière M6 en part audience ?Septembre est un mois toujours un peu atypique avec l'installation progressive de nouveaux rendez-vous. Il est évident que M6 a profité de ce mois. Tous les nouveaux programmes de France 3 ne sont pas encore installés. Sur les neuf premiers mois de l'année, France 3 conserve une part d'audience de 12 %, ? là où M6 est à 10,8 % ? et reste la troisième chaîne nationale et la plus appréciée des Français. Globalement, France Télévisions, avec son bouquet de chaînes, reste leader et détient une part d'audience de 32 %. Et maintient cette position en prenant de vrais risques de programmation, comme de l'opéra en prime time.On a parlé d'une « cagnotte » issue de recettes de la publicité vendue en journée en 2009 supérieures à vos prévisions trop basses. Qu'en est-il ?Nous avons travaillé avec l'État actionnaire sur un plan d'affaires, qui nous amène à 2012 avec un point d'équilibre opérationnel en 2011. En 2009, France Télévisions avait affiché dans son budget prévisionnel un déficit (net) de l'ordre de 135 millions d'euros. La performance commerciale des six premiers mois m'a permis d'annoncer au conseil d'administration début juillet que nous serions en avance de 70 millions d'euros sur les recettes publicitaires [prévues à 260 millions d'euros dans le budget initial, Ndlr]. L'État souhaitait disposer de cette ressource. J'ai argumenté, dit combien il était important de garder des réflexes d'entreprise sur un marché extrêmement concurrentiel et demandé que le fruit du travail reste dans l'entreprise pour réduire le déficit. J'ai été entendu et j'en suis reconnaissant à mon actionnaire. Chemin faisant, il y a eu réévaluation de ces surplus, à 105 millions. Là, l'actionnaire a dit qu'il prendrait 35 millions d'euros pour solde de tout compte.À quoi tiennent vos performances publicitaires sur un marché où TF1 et M6 ont beaucoup souffert ?Je n'ai pas envie de polémiquer avec mes concurrents. Pour eux, quand nous faisons de mauvais résultats, c'est forcément de notre faute. Quand nous en faisons de bons, c'est que nous nous sommes trompés dans nos prévisions. Quand nos concurrents font de bons résultats, c'est toujours parce qu'ils travaillent remarquablement bien et, quand ils en font de mauvais, c'est parce que la réglementation n'est pas bonne? Il nous fallait prévoir les recettes de la publicité avant 20 heures. Or, nous savons tous que beaucoup de ressources publicitaires en journée proviennent d'accords globaux avec les annonceurs qui portent également sur le prime time. Cette situation totalement inédite rendait difficile l'évaluation de l'impact de l'arrêt de la publicité en prime time. Nous nous sommes fondés sur un consensus de marché. Il n'y a eu ni sous-estimation et de fait, pas de surcompensation. Paradoxalement, la contrainte budgétaire a été moins forte pour vous en 2009 que sur les chaînes privées ?Il faut dissocier la contrainte budgétaire de celle du marché publicitaire. Cette ressource publicitaire a un terme : elle nous permet aujourd'hui de prendre de l'avance sur notre plan d'affaires, de réduire notre déficit, mais elle n'est pas pérenne. Suivant la loi, dans deux ans, nous n'aurons plus de publicité du tout. Il n'en restera que sur les antennes régionales et sur le Net. Donc, c'est une amélioration temporaire pour nous. France Télévisions doit se réformer. C'est l'objet de la réorganisation que nous avons entreprise, sans doute la plus ambitieuse que l'audiovisuel dans son ensemble ait à connaître depuis trente-cinq ans.Où en est cette réorganisation ?Elle comprend deux volets. Le premier est la création d'une entreprise commune. Nous avons levé les cloisons juridiques ; nos cinq chaînes ne forment plus maintenant qu'une seule entreprise, en conservant nos cinq antennes. Nous serons à même de mettre en place la nouvelle organisation dès janvier 2010. Le second volet est social. Nous renégocions tous les accords sociaux [y compris la convention collective de l'audiovisuel public, Ndlr], au nombre d'une centaine. Le délai légal qui nous est imparti est de quinze mois après la promulgation de la loi sur l'audiovisuel, soit une date limite au 7 juin 2010. Nous devons tenir le tempo de cette réforme.Ne craignez-vous pas un syndrome France Télécome;lécom en poussant à une évolution à marche forcée ?Les enjeux en terme de résultats financiers et de productivité de nos deux sociétés ne sont pas comparables. En tout cas, nous mettons tout en ?uvre pour faire en sorte que cette période de transition, de transformation, absolument nécessaire à l'avenir de France Télévisions, se passe le mieux possible sur le plan humain. Dans nos réseaux régionaux (France 3 et RFO), nous avons pris l'engagement de ne pas contraindre les salariés à une mobilité géographique, par exemple.Les producteurs se plaignent d'une baisse des commandes des chaînes ?À mon arrivée il y a quatre ans, France Télévisions investissait autour de 320 millions d'euros dans la création audiovisuelle. Cette année, nous nous sommes donné l'objectif d'investir de l'ordre de 375 millions. Nous le tiendrons.Là où je partage la préoccupation des producteurs, c'est que le marché se déséquilibre du fait de la baisse des investissements des chaînes privées dans la création française. À la fin de l'année, plus de 50 % des sommes investies par les chaînes proviendront de France Télévisions. Il ne faudrait pas que nous devenions leur seul interlocuteur et leur seul soutien, ce serait dommageable pour la création française.Vos relations avec l'État actionnaire n'ont pas toujours été sans nuage ?Vous l'avez remarqué ? Mais nous avons la même envie que cette réforme réussisse. Ce n'est pas de la langue de bois, il n'y a pas d'enjeux personnels, nous agissons pour l'entreprise et pour l'avenir du service public. Aujourd'hui, les relations avec l'ensemble de mes tutelles, le ministre de la Culture, Bercy, Matignon, l'Élysée et les services qui les représentent sont bonnes, respectueuses, studieuses?Comment analysez-vous les mauvaises relations que vous avez eues avec l'Élysée ?Je ne suis pas à l'heure des bilans. Ce qui m'importe, c'est cette réforme ; je l'ai voulue, je veux la mener jusqu'au bout et je veux que ce soit un succès. C'est la réforme fondatrice de France Télévisions. Réussir à mettre en place une nouvelle convention collective, des accords sociaux qui protègent et donnent des perspectives d'évolution aux collaborateurs, tout en donnant à l'entreprise la souplesse et la performance dont elle a besoin, voilà la priorité.Êtes-vous tenté par un deuxième mandat ?Il ne peut être question de mon avenir personnel tant que celui de France Télévisions et de ses collaborateurs ne s'inscrira pas définitivement dans la réforme. Toute autre pensée ne serait pas bonne à l'avancée de cette réforme.Faire en sorte que cette société soit sur de bons rails pour affronter l'avenir est aussi une source de satisfaction personnelle. Le moment venu et pas avant, c'est-à-dire, si le calendrier est respecté, au courant du printemps de l'année prochaine, je me poserai la question de mon propre avenir.Avez-vous pensé à démissionner ?Rarement. Je crois même jamais.
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