Point de vue - Nicolas Dupont-Aignan et Jean-Pierre Gérard

Évanouis les discours sur le prétendu « euro-bouclier-à-la-crise » ! Même Jacques Attali l'affirme désormais : « La zone euro peut exploser. » C'est précisément le constat fait par ceux qui, noyés dans le mépris de la pensée unique, tirent la sonnette d'alarme sur les vices de construction de l'euro depuis sa création. La promesse des partisans de l'euro était l'avènement d'une nouvelle ère de prospérité. Leur pari était de provoquer une union politique européenne à partir d'une union monétaire. Mais ils ont perdu sur tous les tableaux. Ils se trouvent aujourd'hui placés dans une redoutable impasse. La croissance ? Conjuguée à des conceptions dogmatiques de la concurrence et du libre-échange, la monnaie unique, conçue et gérée pour un modèle économique allemand qui n'est pas exportable, étrangle la plupart des pays européens. En effet, les exportations en dehors de l'Union européenne sont pénalisées par la surévaluation chronique de l'euro, dont les économistes estiment le cours « normal » entre 1,05 et 1,1 dollar. En outre, la crise a bien montré que la monnaie unique ne nous protégeait de rien puisque la zone euro est entrée en récession avant les États-Unis et plus fortement. La France, comme l'Italie, paie son appartenance à cet euro-mark depuis le traité de Maastricht en perte de compétitivité, en désindustrialisation, en délocalisations et en chômage structurel. Cela, sans même avoir permis d'assainir ses finances publiques, puisque l'euro a permis d'accumuler des montagnes de déficit et de dettes sans exposer les gouvernements qui s'y sont adonnés à la punition des dévaluations contraintes.L'approfondissement de l'intégration européenne ? Il s'est fracassé contre le mur des réalités nationales, à mesure qu'on resserrait le cadre institutionnel de traités délirants. Décevant les espoirs des partisans de la monnaie unique, les économies des pays membres se sont même mises à diverger entre elles à partir de l'entrée en vigueur de l'euro, en 1999 ! Le résultat de cette construction européenne n'est pas reluisant : une économie en berne, une désespérance sociale croissante, des institutions encore plus inaudibles. Quant à l'avenir, il reste bouché : des pays au bord de la banqueroute et une zone euro menacée d'éclatement.Le temps presse : Athènes continue d'être le maillon faible d'un jeu de dominos qui ne demande qu'à déferler, risquant d'entraîner des pays à la situation également intenable mais au poids bien plus important que la Grèce - cet arbre qui cache la forêt. Pour la simple raison qu'aucune politique de rigueur ne peut réussir si l'on ne renforce pas la compétitivité du pays concerné par la dévaluation. C'est l'évidence, ainsi que le montre, par exemple, le cas britannique. Sauf peut-être à se résoudre à transformer les Grecs, les Espagnols, les Italiens et les autres en assistés quasi éternels de l'Allemagne... Mais Angela Merkel vient de refuser net cette perspective, acceptant même l'éclatement de la zone euro ! À l'heure où les opinions publiques grecque et allemande s'invectivent ouvertement, on mesure concrètement en quoi le délire supranational peut conduire à l'inverse même de ce qu'il prône : la résurgence des heurts nationalistes !Aussi, plutôt que de bluffer comme aujourd'hui, les Européens feraient bien de choisir une voie intelligente entre le tout ou rien. Ce point d'équilibre s'appelle la monnaie commune. Une telle issue ne signifierait pas la fin de l'euro comme monnaie de réserve. En 1992, les économistes débattaient de l'opportunité de mettre en place une monnaie unique ou une monnaie commune, arguant que l'Europe n'était pas une zone adaptée au partage d'une seule monnaie. En effet, la zone euro ne constitue pas une « zone monétaire optimale », que ce soit par l'absence de mobilité des travailleurs, le manque de convergence économique ou de budget central. L'histoire est en train de leur donner raison sous nos yeux : à une monnaie unique impraticable et fabriquant fatalement la désunion de l'Europe, il faut préférer une monnaie commune qui permettra à l'UE à la fois de disposer d'une devise internationale pouvant concurrencer le dollar, et d'un système monétaire souple à l'intérieur duquel les pays membres pourront ajuster leur monnaie nationale rétablie pour favoriser leur croissance. Il faudra bien s'y résoudre : la dévaluation vaut bien mieux que le chômage de masse et l'explosion sociale ! Il ne faut pas laisser passer cette chance : si l'on attend l'explosion de l'euro ou la révolution dans les pays soumis à une austérité intenable, il est malheureusement à craindre que les peuples ne soient plus disposés du tout à maintenir une quelconque coopération monétaire entre eux.
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