En Hongrie, Xi Jinping et Viktor Orban affichent leur proximité stratégique

Après s'être rendu en France puis en Serbie en début de semaine, le président chinois a conclu sa tournée en Europe - la première depuis 2019 - par une étape en Hongrie où il a affiché sa proximité avec son Premier ministre, Viktor Orban, assurant que « les relations sino-hongroises sont à leur apogée ».
Viktor Orban et Xi Jinping lors d'une conférence de presse commune à Budapest le 9 mai 2024.
Viktor Orban et Xi Jinping lors d'une conférence de presse commune à Budapest le 9 mai 2024. (Crédits : Reuters)

C'est la dernière étape de sa visite en Europe : jeudi, le président chinois Xi Jinping se trouvait en Hongrie, après s'être rendu en France et en Serbie, concluant ainsi sa première tournée sur le Vieux Continent depuis 2019.

Le dirigeant de la super puissance asiatique a rencontré le Premier ministre hongrois, Viktor Oran. Et les deux hommes ont affiché une certaine proximité, enchaînant cérémonie militaire, dîner de gala et longues discussions, notamment au sein de la résidence officielle de Budapest de Viktor Orban.

Des échanges au cours desquels ils ont notamment conclu des partenariats avec l'annonce de nouveaux projets pour construire des liaisons ferroviaires, mettre en place un oléoduc entre la Hongrie et la Serbie ou encore coopérer dans le secteur nucléaire. Au total, 18 contrats ont ainsi été dévoilés. Ce séjour de quasiment trois jours est l'occasion de « porter notre partenariat stratégique à de nouveaux sommets », a estimé Xi Jinping, la Chine étant devenue le premier investisseur en Hongrie l'an dernier. En effet, partout en Hongrie, les usines de batteries et de voitures électriques poussent à une vitesse impressionnante, pour des investissements de dizaines de milliards d'euros. De quoi susciter les inquiétudes de l'opposition qui dénonce l'opacité entourant les contrats, l'impact environnemental des usines et la corruption.

Viktor Orban s'est, lui, félicité du choix fait par Xi Jinping de visiter au sein de l'UE Paris et Budapest ce qui « montre l'importance que prend la Hongrie sur la scène internationale », a indiqué son chef de cabinet Gergely Gulyas. Pour cette visite qualifiée d'« historique » par Budapest, la capitale était d'ailleurs pavoisée aux couleurs de la Chine, mais surtout sous haute sécurité et les rares drapeaux tibétains déployés par des manifestants étaient soigneusement cachés de la vue de Xi Jinping.

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Des « relations sino-hongroises à leur apogée »

« Les relations sino-hongroises sont à leur apogée » en 75 ans d'histoire, a salué le dirigeant chinois, soulignant le souci « d'indépendance » de Budapest. Un clin d'oeil à la stratégie de cavalier seul menée par Viktor Orban au sein de l'UE. Tout en ferraillant avec Bruxelles, le dirigeant nationaliste s'est résolument tourné vers l'Est ces dernières années. Et quand Bruxelles a pris ses distances avec Pékin, lui a au contraire resserré les liens, rejetant l'affrontement idéologique des « blocs ». Le président chinois a d'ailleurs appelé la Hongrie, qui présidera l'UE au second semestre, à jouer « un rôle plus important » dans le « développement » des relations Chine-Union européenne.

Pékin et Budapest sont, en outre, sur la même longueur d'onde quant à la guerre en Ukraine, plaidant pour un règlement pacifique tout en restant proche du Kremlin. La Hongrie, « voix solitaire » face à la fièvre guerrière agitant l'UE selon Viktor Orban, a ainsi « remercié la Chine pour ses efforts en faveur de la paix dans la région ».

De son côté, l'UE dénonce la position de Pékin sur le sujet. Appelant à une solution de paix, les autorités chinoises, qui se disent officiellement neutres, n'ont jamais condamné l'invasion russe. Le président russe Vladimir Poutine doit d'ailleurs se rendre en Chine en mai. L'Otan accuse même le pays de « soutenir l'économie de guerre de la Russie » en partageant des technologies de pointe qui peuvent être utilisées pour produire des missiles, des chars et des avions, selon les propos du chef de l'organisation, Jens Stoltenberg, fin avril. « La Chine affirme vouloir entretenir de bonnes relations avec l'Occident. Dans le même temps, Pékin continue d'alimenter le plus grand conflit armé en Europe depuis la Seconde Guerre mondiale », avait-il déclaré lors d'un discours prononcé lors d'une remise de prix à Berlin sur les liens transatlantiques. « Ils ne peuvent pas avoir le beurre et l'argent du beurre », avait-il conclu.

Emmanuel Macron appelle à une « coordination » sur les « crises majeures »

Un sujet qui a d'ailleurs été abordé avec le président français lors de la visite de son homologue chinois à Paris en début de semaine. Accueilli lundi sous les ors de l'Elysée, Xi Jinping a eu des échanges « francs » avec Emmanuel Macron qui a ainsi martelé que la « coordination » avec Pékin sur les « crises majeures » en Ukraine et au Moyen-Orient est « absolument décisive ». Le chef de l'Etat était accompagné de la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, comme il y a cinq ans et l'an dernier en Chine, affichant ainsi un front continental uni.

L'UE et la France comptent sur la Chine pour « user de toute son influence sur la Russie » pour faire cesser le conflit, a déclaré Ursula von der Leyen. Avec Emmanuel Macron, elle a également appelé le président chinois à faire « plus d'efforts pour limiter la livraison à la Russie d'équipements duals (ndlr : pouvant être utilisés à des fins civiles et militaires) qui se retrouvent sur le champ de bataille » en Ukraine. Elle s'est en outre dite « confiante » sur le fait que Pékin continuerait à tempérer les menaces nucléaires russes, alors que Moscou a, dans le même temps, ordonné la tenue prochaine d'exercices nucléaires.

De son côté, Xi Jinping a tenu des propos rassurants à ce sujet. Souhaitant le retour de « la paix et la stabilité » en Europe, il a assuré dans une tribune publiée dans Le Figaro vouloir « œuvrer avec la France et toute la communauté internationale à trouver de bonnes pistes pour résoudre la crise » en Ukraine.

L'UE dénonce de nouveau le « commerce déloyal » de la Chine

Autre sujet essentiel pour la France, mais surtout l'Europe : les différends commerciaux qui opposent cette dernière à la Chine. La patronne de l'exécutif de Bruxelles a, en effet, demandé à Pékin un « égal accès aux marchés ». Avant la rencontre, elle avait insisté sur le fait que l'Europe ne pouvait « pas accepter » le « commerce déloyal » causé par l'afflux de véhicules électriques ou d'acier chinois fabriqués grâce à des « subventions massives ». Subventions contre lesquelles l'Europe a lancé une série d'enquêtes. Et l'UE « n'hésitera pas à prendre des décisions fermes » si nécessaire pour « protéger son économie et sa sécurité », a prévenu Ursula Von der Leyen devant des journalistes, à l'issue de la rencontre.

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Des mesures jugées « protectionnistes », par la Chine et contre lesquelles les autorités ont lancé une riposte en menant leur propre enquête antisubventions visant essentiellement le cognac français. En présence des caméras, Xi Jinping a seulement plaidé pour que la Chine et l'UE renforcent leur « coordination stratégique » et demeurent « des partenaires ».

Mais un communiqué de la diplomatie chinoise publié par la suite indiquait que le numéro un de la superpuissance asiatique a expliqué à Emmanuel Macron et à Ursula von der Leyen que « le soi-disant "problème de la surcapacité de la Chine" n'existe pas, que ce soit du point de vue de l'avantage comparatif ou à la lumière de la demande mondiale ». Selon le texte, « l'industrie chinoise des nouvelles énergies » a au contraire des intérêts puisqu'elle permet « d'accroître l'offre mondiale et d'atténuer la pression de l'inflation mondiale ».

Commentaires 8
à écrit le 10/05/2024 à 18:09
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Il est temps de faire sortir la Hongrie de l’UE et ce n’est pas si impossible en pratique que cela en a l’air.

le 11/05/2024 à 20:45
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@ Guilhem Je souhaiterais que la Communauté européenne puisse exclure à la majorité un pays s’il viole massivement et durablement les valeurs et les intérêts de la communauté. Mais les règles européennes ne prévoient pas de procédure d'exclusion. U...

à écrit le 10/05/2024 à 9:34
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La Chine joue à un faux jeu. Elle se présente comme une force de paix et un partenaire commercial équitable. C’est le contraire qui se produit. Le problème de l’UE est la désunion de ses États membres. La rivalité entre la France et l’Allemagne est p...

le 11/05/2024 à 1:55
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Diplomatiquement la Chine est plutôt franche. La Chine a visité la Serbie pour célébrer l'anniversaire du bombardement de l'ambassade de Chine à Belgrade en 1999, le message est très clair. Dés que Huawei a commencé à menacer la suprématie technolog...

le 11/05/2024 à 9:47
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@johnmckagan Tout est dit, entièrement d'accord avec vous .

le 11/05/2024 à 21:37
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Pour le coup sur cette visite de Xi Jinping en Europe les choses sont plutôt claires : la chine à choisi son camp, c'est un adversaire de l'UE. Ça a toujours été le cas mais maintenant c'est officiel.

à écrit le 10/05/2024 à 8:22
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"a expliqué à Emmanuel Macron et à Ursula von der Leyen" Ben oui faut leur parler longuement et lentement sinon ils comprennent rien. Mais que fait encore Van Leyen avec notre président ? Elle fait la campagne pour l'abstention aux européennes ou quo...

le 11/05/2024 à 21:44
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Elle a été invitée par Macron, comme à chaque rendez-vous diplomatique avec la Chine, mais je pense que vous le savez parfaitement. En gros elle joue le rôle du méchant flic pour défendre nos intérêts commerciaux, car si c'est Macron qui le fait en t...

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