La chute du mur de Berlin

Pierre VERLUISEOUIL'élargissement de l'Union a appauvri et fait vieillir l'Europe.Il est clair que l'élargissement de l'Union européenne (UE) aux pays d'Europe centrale et orientale a porté un coup à l'Europe. Même si les institutions d'origine n'étaient plus adaptées à une Europe à quinze, il aura fallu plus d'une décennie aux États membres, et une dépense d'énergie incommensurable, pour concevoir un nouveau fonctionnement des institutions qui ne sera mis en ?uvre qu'en décembre 2009. En outre, l'intégration de pays parfois fortement corrompus dans un ensemble fonctionnant sur des mandats démocratiques ne peut pas ne pas poser problème à nos institutions. Sur le plan économique aussi, l'élargissement, qui s'est soldé par l'intégration de pays beaucoup plus pauvres et moins productifs que les anciens États membres, a contribué à appauvrir de manière relative l'UE, en particulier par rapport aux États-Unis. S'ils ont été porteurs entre 1995 et 2008 d'un dynamisme économique notable lié au phénomène de rattrapage et de délocalisation de certaines activités des anciens États membres vers ces zones à faible coût de main-d'?uvre, la faiblesse de leurs efforts de recherche et développement contribue à différer encore un peu plus la construction de l'économie de la connaissance projetée par la stratégie de Lisbonne en 2000. Alors que ces nouveaux États membres bénéficient de fonds communautaires importants, fonds qui aujourd'hui amortissent les effets de la crise, la question de l'utilisation optimale de ces fonds est bel et bien posée dans certains pays. Ils ne sont certes pas les seuls, puisque la question est tout aussi légitime pour la Grèce et l'Italie. Mais les fonds qu'ils perçoivent étant considérables ? entre 2007 et 2013 ils auront reçu plus de la moitié des fonds de la politique régionale de l'UE ?, les contribuables européens sont en droit de s'interroger sur leur utilisation. Enfin, avec l'élargissement, l'Europe a intégré des pays à la fois vieillissants, où la transition économique s'est soldée par un effondrement de la fécondité, et qui se vident de populations, mouvement accéléré par les flux migratoires. Un phénomène dont l'UE n'a pris conscience que très récemment. Pour finir, l'intégration de pays, qui se sont toujours sentis européens, mais qui se sont précipités pour intégrer l'Otan, n'a pas encore suffisamment contribué à créer une conscience géopolitique commune aux pays membres de l'UE. nLe 9 novembre 1989, le mur de Berlin, symbole du monde bipolaire né de la fin de la Seconde Guerre mondiale, est tombé.Cet événement, dont personne n'a saisi l'ampleur sur le moment, en consacrant l'échec du communisme en Occident et la victoire de l'économie de marché, a marqué une certaine unification du monde. Ce faisant, il a modifié en profondeur les relations internationales, comme les dynamiques régionales. En amenant l'Europe à redessiner ses frontières, la chute du Mur l'a ainsi contrainte à redéfinir son horizon et ses ambitions. Un processus qui fut long et laborieux. En même temps, une certaine défiance des opinions publiques vis-à-vis de l'Europe grandissait, jusqu'au rejet en 2005 par la France et les Pays-Bas du nouveau traité constitutionnel.Alors la chute du Mur a-t-elle porté un coup à la construction de l'Union ? propos recueillis parValérie SegondNONJean-Dominique GIULIANIOn ne saurait oublier que la chute du mur de Berlin a été à l'origine de la réunification de l'Europe qui s'est achevée en 2007, réunification qui était à la fois souhaitable, inéluctable et favorable à l'Europe. Souhaitable d'abord, en ce qu'elle marquait la fin de la Seconde Guerre mondiale et des pratiques totalitaires pour les pays d'Europe occidentale et orientale qui ont ainsi pu découvrir les avantages de la démocratie, à commencer par les règles d'un État de droit. Inéluctable ensuite, en ce que les accords de Yalta, par lesquels Roosevelt s'était fait rouler dans la farine par Staline, étaient bien le summum du cynisme. Il ne faut pas oublier que ces pays étaient passés directement de la guerre à la dictature, c'est-à-dire à un état de soumission qui n'aurait pu durer indéfiniment. Enfin, cette réunification était favorable à la construction de l'Europe, même si la faible empathie dont a témoigné l'État français à l'égard de l'Allemagne au moment de sa réunification a rompu un lien fort entre les deux pays et a durablement entaché les relations franco-allemandes. Au-delà de cette relation bilatérale, l'élargissement de l'Union a réveillé une communauté de valeurs très anciennes et personne ne peut dire aujourd'hui que le c?ur de l'Europe bat moins fort à Prague, Varsovie, Budapest ou Bucarest qu'à Paris ou Bruxelles. C'est si vrai que certains historiens affirment même que les frontières de l'Europe à 27 sont celles de la progression vers l'est des églises romanes ! Si la construction de l'Europe est aussi lente, c'est d'abord parce que les habitudes de confort, et pour tout dire l'égoïsme, des anciens États membres ont émoussé leur enthousiasme pour ces grandes retrouvailles avec des pays aux valeurs identiques aux nôtres. Ainsi ce n'est pas la réunification de l'Europe qui l'a affaiblie, mais les conditions dans lesquelles cette réunification a été réalisée. Pour intégrer ces nouveaux États dans l'Union, nous avons certes consenti un effort financier considérable. Mais nous leur avons aussi imposé notre modèle et nos règles du jeu sans tenir compte de leur histoire et des difficultés économiques, sociales et mentales de leur transition vers une économie de marché. Aussi les conditions que nous leur avons imposées sont-elles devenues les raisons de leur intégration dans l'Union. Ce qui est, à l'évidence, une source de problèmes que nous continuons à payer aujourd'hui. nElle a permis une réunification européenne inéluctable.
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