Affaire Renault : quand mondialisation rime avec espions

Qui dit mondialisation dit guerre économique totale. Avec ses moyens officiels et ceux qui sont moins avouables. L'histoire industrielle fourmille d'anecdotes en la matière, comme le Concorde, copié en 1973 par les Russes avec le Tupolev 144 surnommé d'ailleurs Concordski (qui finira par un crash). Cette réalité vient de se rappeler au bon souvenir des entreprises françaises en touchant l'une de ses plus emblématiques : Renault.Les services secrets français (la DCRI, la Direction centrale du renseignement intérieur) enquêtent - de façon informelle, ils n'auraient pas encore été saisis juridiquement - sur l'affaire d'espionnage dont aurait été victime la firme au losange concernant ses technologies pour la voiture électrique et ses batteries. Dans un entretien accordé au « Monde », le directeur général délégué de Renault, Patrick Pélata, indique que le constructeur « est victime d'une filière organisée internationale » tout en assurant que « aucune pépite technologique, stratégique sur le plan de l'innovation, n'a pu filtrer en dehors de l'entreprise ». Une piste chinoise est évoquée dans la presse. Comme quoi l'ex-empire du Milieu ne se contenterait pas des transferts de technologies, déjà controversés en Occident, pour accroître au plus vite ses compétences.Voilà qui rappelle une autre affaire qui avait déjà touché le secteur automobile français. Valeo, le grand équipementier, avait accusé une jeune stagiaire chinoise, de s'être emparée en 2005 de fichiers informatiques confidentiels. Cette fois, il s'agit de trois hauts cadres, dont un membre du comité de direction de Renault. Au coeur du programme de véhicules électriques stratégique pour le groupe, ils ont été mis à pied et sont menacés de licenciement pour en avoir divulgué des informations. Selon Lepoint.fr, les trois cadres impliqués « auraient été rémunérés au moyen de comptes bancaires à l'étranger ». Voilà de quoi en faire l'une des plus grosses affaires d'espionnage industriel de ces dernières années en France. « C'est un péril, globalement, pour l'industrie française, l'expression ?guerre économique? là, pour le coup, parfois outrancière, est adaptée, et c'est une chose à laquelle nous devrons veiller à l'avenir », a déclaré jeudi le ministre de l'Industrie, Éric Besson. En tout cas, de nombreux patrons français affichent leur mobilisation face à une telle menace. Le président du directoire de PSA, Philippe Varin, se dit « extrêmement vigilant ; ce que nous mettons en place maintenant, c'est un renouvellement du code d'éthique du groupe ». « De nombreux groupes, de Total à Alstom, ont instauré des procédures de protection et des séances de sensibilisation de leurs cadres », souligne un haut responsable français de la sécurité économique. Jean-François Dehecq, l'ex-PDG de Sanofi-Aventis, fustigeait il y a quelques années une certaine naïveté française sur cette question. Il racontait qu'en voyage il ne laissait jamais à l'hôtel son attaché-case avec des documents confidentiels et vérifiait à l'aide d'indices si sa chambre avait été « visitée ».Cette saine paranoïa fait le lit de nombreuses agences, officines et sociétés d'intelligence économique qui se vantent de pouvoir aider leurs clients à protéger leurs secrets... ou à trouver ceux de leurs concurrents. Car la clé dans le business consiste à la fois à cacher ce que l'on prépare et à essayer de savoir ce que le rival concocte. Normalement par des moyens légaux.
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