« Malgré les efforts de régulation, le système financier reste toujours dangereux »

On n'a pas tiré les leçons de la faillite de Lehman Brothers, ni de la déroute d'AIG. jean PEYRELEVADE Président de Leonardo & CoVous attendez vous à des progrès sur la régulation financière à Séoul ?Pas réellement. Au-delà des communiqués et des satisfecit habituels, chaque zone va défendre son bilan. D'un côté, les Américains expliqueront qu'avec la loi Dodd-Franck, ils sont les seuls à avoir commencé à séparer les activités de financement de l'économie réelle des activités spéculatives. De fait, ils ont déjà interdit le trading pour compte propre et leurs banques de dépôts ne peuvent plus avoir de participation dans les hedge funds. De l'autre, avec la réforme de l'architecture institutionnelle, les Européens ont fait un premier pas important vers la création d'un régulateur unique. Cela faisait vingt ans que l'on attendait cela. L'Europe corrige ainsi le handicap institutionnel consistant à avoir 27 régulateurs dans chacun des domaines : banque, assurance et marchés de valeurs mobilières. Reste à savoir si les États-Unis annonceront qu'ils se rallient à Bâle III. C'est à mon avis la seule bonne surprise que l'on puisse avoir lors de ce G20.Les dernières réformes ont-elles atténué le risque systémique ?Atténué, peut-être, supprimé, certainement pas. Il subsiste un trou béant dans l'effort de régulation. Et le système financier reste toujours dangereux, après avoir déjà failli exploser deux fois en un siècle. Les Européens comme les Américains régulent essentiellement le système bancaire, mais ils laissent en dehors du champ de toute régulation les produits dérivés en général et les CDS en particulier. Ce sont des activités potentiellement très risquées et très déstabilisatrices qui peuvent être pratiquées indifféremment à l'intérieur ou à l'extérieur du système bancaire. Il faudrait les réguler à la fois en terme d'exigence de fonds propres et de limitation des effets de levier. On n'a pas tiré les leçons de la faillite de Lehman Brothers, ni de la déroute d'AIG. Dans le premier cas, on n'a pas évalué le rôle précis des engagements réciproques sur les produits dérivés au sens large dans la transmission de la crise. Et aujourd'hui, rien n'empêche à une structure de la sphère financière ou de l'économie réelle de se transformer en centre de vente de CDS ou d'options, à l'image d'AIG, c'est-à-dire sans limite. On a beaucoup entendu dire qu'un renforcement des fonds propres, avec Bâle 3, entraînerait une restriction de l'offre de crédit. En êtes vous concaincu ? Je ne crois pas du tout à un risque d'assèchement du crédit une fois les règles de Bâle III mises en oeuvre. La rentabilité des activités financières reste supérieure à de l'économie réelle. Même si la rentabilité des banques diminue, tant qu'elle est supérieure au coût du capital, elles ont intérêt à développer leur activité de crédit. De la part de la profession, l'argument ne me parait pas très sérieux.Les États-Unis et l'Europe ont pris des directions différentes en terme de régulation. Cela vous paraît-il dangereux ?Oui. Quand des réglementations différentes s'appliquent selon les zones, il y a toujours un risque d'arbitrage réglementaire. Les banquiers américains ne sont pas sous Bâle II ni III. Quant aux banquiers européens, ils vont pouvoir continuer à faire du trading pour compte propre et à avoir des filiales sous forme de fonds alternatifs. Chaque institution sera tentée d'ouvrir des filiales dans la zone qui l'arrange afin d'utiliser au mieux les différences de réglementation. Propos recueillis par Laurent Chemineau et Sophie Rolland
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