Les groupes chinois visent l'international

Comment décririez-vous l'évolution de la capacité d'investissement de la Chine??La Chine est devenue incontournable par ses réserves de change. On les estime à 2.500 milliards de dollars. Elles n'atteignaient « que » 500 milliards de dollars en 2005 et 100 milliards en 2000. Elles se composent pour un tiers de bons du Trésor américain, à un tiers d'autres actifs en dollars, le solde sur d'autres devises. Par ailleurs, les investissements de la Chine à l'étranger ont connu un essor rapide. Ils ont crû de 20 % pour s'élever à 48 milliards en 2009 après avoir triplé entre 2007 et 2008. Et cela ne devrait être que le début?: le stock moyen d'investissements des pays de l'OCDE à l'extérieur avoisine 27,7 % de leur PIB. En Chine, ce ratio n'est que de 2,3 %. Je pense que la crise de 2009 aura connu un tournant?: rattrapage en termes d'internationalisation des groupes chinois?; investissements en actifs tangibles et non en dollars?; et surtout nécessité de monter en gamme, notamment sur le plan technologique. La mutation du modèle chinois, dont les hausses de salaires ne sont que la partie émergée, et les interrogations récurrentes sur la solidité du dollar devraient accélérer ce phénomène.Dans quels secteurs les industriels et les fonds chinois injectent-ils de l'argent??Beaucoup d'argent a été injecté dans les services financiers entre 2007 et 2008, avec des placements parfois catastrophiques. Le secteur des ressources reste prépondérant avec des investissements stratégiques dans le négoce, comme en témoigne l'investissement de 15 % du fonds souverain CIC dans Noble Group. Une nouveauté, 35 % des investissements portent sur des secteurs non liés aux ressources, comme les marques ou les industries de pointe. Nous avons vu les rachats de Rover, Volvo, mais aussi Avic qui a acquis 90 % d'un sous-traitant autrichien en composites aéronautiques. Le secteur des équipements pour l'environnement et l'énergie suscite beaucoup d'intérêt.Mais parfois les choses ne sont pas si simples...Il arrive que cela bloque dans des domaines sensibles, notamment dans les matières premières. L'échec de la montée au capital de Rio Tinto par Chinalco en 2009 et la tentative de rachat manquée du groupe Unocal par le pétrolier Cnooc en 2005 sont deux affaires retentissantes. Dans le secteur high-tech, Huawei a essuyé un revers dans sa tentative de prise de contrôle de 3Com, un équipementier informatique, dont l'implication dans le militaire était jugée trop forte.Comment se porte l'activité de capital-investissement à proprement parler??Le private equity en Chine explose. À l'issue du premier semestre, l'activité a totalisé 10 milliards de dollars, soit l'équivalent des sommes levées sur 2009. La Chine est devenue un des plus grands marchés, concentrant deux tiers des fonds levés en Asie. Depuis deux ans, les grands fonds occidentaux font ce que l'on appellera bientôt dans la profession, le chemin de Pékin. CIC vient d'investir 1 milliard d'euros dans un grand fond LBO?; la Safe (State Administration of Foreign Exchange) a investi dans BP et Total. De nombreux autres fonds, encore très peu connus, sont richement dotés. Avec Bâle III et Solvency II, les banques et les assurances pourraient réduire leurs engagements dans le non-coté et ainsi laisser de la place à ces nouveaux acteurs asiatiques. Qu'est-ce qui est déterminant dans l'acte d'investissement??Il serait erroné de voir en ces nouveaux acteurs des acquéreurs prêts à payer le prix fort. Les nombreux industriels et fonds chinois que nous connaissons bien et qui sont encore très méconnus en Europe sont prêts à agir mais font preuve de prudence. Mieux vaut combiner une forte dimension d'accompagnement de ces acteurs avec une capacité de co-investissement à leur côté. Nous l'avons fait avec Fosun dans le cadre de son entrée dans le capital du Club Med. Ces investisseurs sont en effet confrontés à un dilemme?: ils souhaitent investir à l'étranger alors que la croissance y est atone. Une solution est d'accompagner des sociétés occidentales souhaitant accélérer fortement en Chine, là où le potentiel de croissance est le plus important.Propos recueillis par Fabio Marquetty
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