L'augmentation de capital laisse Areva au milieu du gué

Le long feuilleton de la recapitalisation d'Areva, dont le dernier épisode a été lancé en juin 2009, a connu ce week-end un épilogue décevant. Le conseil de surveillance du groupe nucléaire a approuvé samedi une opération de 900 millions d'euros (soit une augmentation de 7,2 % du capital) apportés par le fonds souverain du Koweït (600 millions) et l'État français, finalement obligé de remettre 300 millions d'euros. On est loin de la levée de fonds initialement prévue, qui devait représenter 15 % du capital et apporter 3 milliards d'euros grâce à trois investisseurs privés étrangers.Plutôt qu'une conclusion, cette opération ressemble à un prologue. C'est l'État lui-même, actionnaire à 91 % d'Areva qui le dit. « En fonction de l'opportunité de conforter ses partenariats industriels et de leur intérêt patrimonial, l'État pourra, le moment venu, lancer avec Areva des réflexions sur d'autres opérations de financement destinées, si besoin est, à compléter cette première augmentation de capital », écrit Christine Lagarde. Une porte ouverte à EDF et Alstom ainsi qu'à Mitsubishi recalé au premier tour. Sans compter un éventuel recours aux marchés financiers puisque l'Etat a décidé de coter les actions du groupe, en commençant par les certificats d'investissements déjà en Bourse (4% du capital).Nul doute que ce besoin se fera sentir. Même si, officiellement, il n'y a pas d'urgence. Depuis quelques semaines, le groupe nucléaire s'empresse d'expliquer qu'il n'y a nul péril en la demeure. Entre la vente de son activité T&D en début d'année, la cession de ses titres Total et Safran et ses récentes émissions obligataires, Areva a encaissé 5,5 milliards d'euros depuis début 2009. Sans compter la vente en cours au FSI des titres STMicroelectronics qui devrait rapporter près de 800 millions d'euros. De quoi voir venir !Pas si sûr. Depuis 2006, exercice après exercice, Areva consomme du cash : 5,5 milliards au total, dont 1 milliard pour les six premiers mois de 2010. Bilan : sa dette s'est creusée pour atteindre 5 milliards d'euros au 30 juin 2010, après un record de 6,2 milliards fin 2009. Même si ce chiffre comprend les 2 milliards qu'Areva doit à Siemens en vertu de leur pacte d'actionnaire (en cours d'arbitrage), cette dette correspond à 10 fois le résultat brut d'exploitation (Ebitda) d'Areva, 6 fois si on exclut l'option Siemens. Un niveau très élevé dans l'industrie. Ce ratio est de 2,4 pour EDF, dont tout le monde s'accorde pourtant à juger l'endettement excessif.La dégradation a été brutale. En 2007, les dettes (hors Siemens) d'Areva ne représentaient que 1,5 fois son Ebitda. Que s'est-il passé ? « Des besoins en investissements très importants, des acquisitions parfois ruineuses et l'incurie de l'État qui ne cesse de reporter l'octroi de moyens supplémentaires », résume un analyste. Et pendant les tergiversations de l'État sur une recapitalisation, qui durent depuis 2004, Areva ne s'est pas mis à la diète. Le groupe a investi 8,45 milliards d'euros depuis 2006, dans les hommes (30.000 recrutements) mais aussi dans les mines (2,5 milliards pour la seule Uramin en 2007) et les nouvelles usines. Sans compter les pertes du chantier finlandais de l'EPR estimées à 2,6 milliards d'euros. Pour l'instant.Note dégradée en juin « Compte tenu de son activité, Areva ne peut pas faire faillite, ni même sembler fragile », explique un autre analyste. Dans tous les cas, l'État est garant. En dégradant Areva en juin dernier, S&P expliquait qu'il lui accordait une note supérieure de deux crans par rapport aux stricts critères financiers, en raison du « soutien » que l'État ne manquerait pas de lui apporter en cas de « désastre financier ». À suivre.
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