Belle lumière chez Alain Passard

Vingt-cinq ans après avoir repris les murs de l'Archestrate de Senderens, Alain Passard, quinze années de trois étoiles, cultive toujours, outre ses légumes, sa différence dans ce petit monde des gradés. Pas de bistrot ou d'annexe, pas de contrat hôtelier ou agroalimentaire, pas de livre ni d'émission de télévision, pas ouvert le week-end, pas de voiturier, pas de décorateur pour remettre une salle un peu datée sous les projecteurs.Cette différence, cette indépendance se retrouvent évidemment dans le prix astronomique des additions mais aussi et surtout dans la singularité de sa cuisine, l'unicité et l'exception de chaque repas. Cela ne ressemble à rien d'autre, à personne d'autre.A peine le temps de jouer au « qui déjeune avec qui » et reconnaître les quelques célébrités du jour, le festival poétique et chromatique du potager démarre. Trois gnocchis multicolores (carotte orange, asperge, ail) ressemblent à trois petits boutons d'une broderie de Lesage. Au milieu, une échalote confite et une feuille de sauge envolent le plat.La rose et l'oseilleDes petits pois, de l'oseille et quelques pétales de rose posés délicatement dessus permettent de redécouvrir le goût des premiers (en fait, vous n'aviez jamais mangé de petit pois jusqu'alors) avec l'apport subtil et féminin de la rose pour contrebalancer l'oseille. On a laissé loin derrière la notion primaire de sucré-salé ou encore celle de l'acidulé et de l'amertume pour une autre dimension, plus subtile : la cohabitation de la force et de la douceur, imposée par la fragilité des légumes.Ensuite, ce sera un plat « rouge » avec des mini- radis translucides, de la betterave et quelques fraises, puis un plat « blanc » qui marie une glace aux asperges et un velouté de céleri perpétuel, puis à nouveau « vert » avec des fèves au basilic pourpre, délicatement posées sur une semoule à l'huile d'argan.Même l'épaule d'agneau semble avoir été cuite lentement, avec douceur, sans agression de flamme ou de température. Les échalotes confites, au bord du plat, ont la même tendresse que la viande.La glace aux fraises du jardin et le macaron basilic permettent de lever le nez, profiter de la belle lumière qui envahit la maison et repousser de quelques heures la pression des événements.Sébastien [email protected] L'Arpège, 84, rue de Varenne, 75007 Paris, Tél. : 01.47.05.09.06.Menus à 120 euros (déjeuner) et 320 euros (dîner).
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