Natixis ou l'échec d'un mode de gouvernance

La critique du livre de Matthieu Pechberty, journaliste à « La Tribune », par Georges Pauget (photo), ancien directeur général du Crédit Agricolegricole. La crise financière a donné lieu à une abondante littérature. Mais jusqu'ici, en France tout au moins, pas de témoignage direct ou indirect de ce qui s'est passé au coeur des banques pendant les heures chaudes de la crise. C'est donc « pour en savoir plus » que j'ai lu le livre de Matthieu Pechberty : « Natixis, enquête sur une faillite d'État ». Laissons aux futurs lecteurs le soin de découvrir les anecdotes et/ou les positions personnelles des différents acteurs. L'intérêt du livre est aussi de montrer le processus de création d'un groupe bancaire dans une période de croissance économique et d'euphorie financière et d'expliquer combien les défauts d'origine de cette construction, qui sont souvent des compromis concédés dans l'instant pour faire avancer un projet, expliquent une forme d'incapacité à réagir en temps et en heure en période de crise. Le point de départ est la volonté des Caisses d'Épargne de s'affranchir de la tutelle de la Caisse des dépôts. Mouvement poussé par Bruxelles qui souhaite que l'institution publique cède ses activités concurrentielles et encouragé par les différents gouvernements, indépendamment de leur sensibilité politique. C'est la période au cours de laquelle tout semble réussir aux Caisses d'Épargne. Mais au final, il faudra que celles-ci déboursent 7 milliards d'euros pour une liberté totale. Un montant équivalent à celui que l'État devra apporter quelque deux années plus tard, pour réaliser la fusion Banques Populaires et Caisse d'Épargne. Deuxième phase, la création de Natixis qui révèle deux défauts majeurs?: l'égalité stricte entre les deux actionnaires et une perspective de fusion à cinq ans de ceux-ci. C'est-à-dire que tous les acteurs auront en tête la deuxième étape et que le système de gouvernance va permettre aux deux groupes de se neutraliser et de retarder ainsi les décisions urgentes qu'il faut prendre en période de crise. Dès lors, la fusion entre les composantes de la nouvelle banque d'investissement n'aboutit pas, les investissements dans les subprimes se poursuivent, alors que la dégradation de ces marchés est déjà manifeste. Plus tard, la nécessaire recapitalisation de Natixis ne sera pas décidée en temps opportun. Bien sûr, l'État a joué un rôle, mais on aurait tort de considérer qu'il a été au centre du jeu. Le fond du problème est d'abord une affaire d'entreprise. Et les causes de l'échec de ce groupe, à cette période, sont avant tout liées, comme le met clairement en évidence le livre de Matthieu Pechberty, à l'ambiguïté des objectifs stratégiques, aux défauts de gouvernance et d'organisation et donc à des choix différés. Un livre vivant, facile à lire et plein d'enseignements. Un cas d'analyse stratégique et de gestion d'entreprise à la portée de nombreux lecteurs. « Natixis, enquête sur une faillite d'État », de Matthieu Pechberty. First Editions (256 pages, 16,90 euros).
Commentaire 0

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

Il n'y a actuellement aucun commentaire concernant cet article.
Soyez le premier à donner votre avis !

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.