Emploi des seniors  :

N'en déplaise aux vieux briscards du PS, pour éviter que la réforme des retraites ne débouche pas sur une baisse franche et brutale des pensions, nous n'avons d'autre choix que de travailler plus longtemps. Or, jusqu'à présent, la réforme de 2003 en faveur de l'emploi des seniors n'a pas permis de relever significativement leur taux d'activité. En 2008, 56,3 % des actifs de 55 à 59 ans travaillaient, contre 59 % pour l'Union européenne à 27. Si ce taux a augmenté de 1,8 point depuis 2003, c'est grâce à l'arrivée dans ces classes d'âges de femmes actives plus nombreuses, dont le taux d'emploi a beaucoup augmenté, tandis que celui des hommes continuait à baisser (1). Ainsi, avant de parler de changement de comportement, il y a d'abord un effet de structure. Quant aux actifs de plus de 60 ans, ils n'étaient que 16,3 % à travailler en France, contre 30 % dans l'UE. En clair, ni l'augmentation des décotes-surcotes, ni le CDD senior, ni la taxation des départs en préretraite, ni même la libéralisation du cumul emploi-retraite, n'ont réellement modifié le comportement des salariés comme des employeurs. Combien d'entreprises ont, à l'instar de la SMABTP, mis à la retraite d'office leurs cadres de 60 ans et plus ayant accumulé leurs droits à la retraite juste avant le 1er janvier 2010, ne pouvant désormais plus le faire avant leurs 70 ans ? Que Sanofi-Aventis, qui supprime 3.000 emplois, propose encore à ses salariés un départ à la retraite à 55 ans est bien le signe que c'est toujours en commençant par les seniors que l'on dégraisse.Et ce, pour deux raisons. D'abord, les salaires des seniors sont les plus élevés : selon l'Insee (2), en 2007, le salaire net annuel moyen des cadres de plus de 50 ans était de 75.000 euros ? avec une nette accélération après 55 ans ?, contre 57.200 pour ceux de 30 à 39 ans. Comme l'a relevé l'OCDE, le système à l'ancienneté, qui a longtemps prévalu en France, a fortement renchéri le coût du travail des seniors. Et ceux qui ont survécu à une sélection draconienne sont plus compétents, donc plus chers. À ce jour, aucune étude n'a démontré que les seniors qui, forts de leur expérience, anticipent les difficultés en optimisant les process, sont, à l'heure travaillée, systématiquement moins productifs. Mais ils sont plus chers : les sortir de la masse salariale en les remplaçant par des jeunes génère ainsi un retour immédiat. « Le coût des salariés âgés est un frein à leur maintien en activit頻, dit Anne-Marie Guillemard, professeur à l'université de Paris-Descartes et auteur de « l'Âge de l'emploi » (A. Colin, en réédition).Ensuite, les Français veulent majoritairement cesser de travailler quand ils prennent leur retraite. Une exception dans les pays riches, comme l'a montré une étude de Towers Perrin sur les pays du G7 (3). Notre marché de l'emploi ne conservant que les plus productifs, les Français en activité sont de facto les plus productifs au monde. Mais ils ressortent de leur vie active totalement essorés, et dès 55 ans n'aspirent qu'à lever le pied. Ce n'est pas un hasard si la question du stress au travail a eu un tel écho en France. Coût élevé et pression démesurée sont les ingrédients du consensus entre entreprises et salariés qui s'est noué sur le dos de l'État pour faire partir plus tôt les seniors. Même si c'est au prix d'une grande précarité de ces derniers.Pour rompre ce pacte diabolique, il faut en changer les fondations : si en France on ne peut baisser les salaires, on sait s'arranger sur le temps de travail. Nombre d'accords d'entreprise ont ainsi prévu de développer la possibilité de finir sa carrière à temps partiel, avec des horaires aménagés par le salarié, moyennant le maintien de la cotisation retraite sur un salaire à temps plein par l'entreprise. Une fin de carrière en sifflet qui permet de lever la pression en diminuant son coût pour l'entreprise.Mais « encore dictée par des critères d'âge, cette politique ne réduira pas l'ostracisme dont font l'objet les seniors », estime Anne-Marie Guillemard. Pour cela, il faudrait repenser la vie active au sein d'un parcours professionnel, dit-elle, comme l'ont fait les Finlandais et les Japonais. Mais cela suppose un nouveau contrat social, touchant au droit à la formation à plus de 50 ans, et même à plus de 40 ans, comme à l'aménagement des conditions de travail. Une véritable révolution culturelle en somme. Seulement, estime François Charpentier (4), « salariés et entreprises ne feront cet investissement que si cela en vaut la peine, c'est-à-dire si l'on recule l'âge légal de départ à la retraite, la frontière symbolique de la vie active. »(1) 7e rapport du COR, 2010.(2) « Les salaires en France », 2010.(3) Towers Perrin, 2007. (4) « Les retraites en France et dans le monde », Economica 2009.Point de vue Valérie segond, Éditorialiste à « La Tribune »
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