La poudrière arabe...

Je sais que ce titre va choquer... Car en France on assiste à une surenchère de termes fleuris, au jasmin ou aux fleurs du Nil, pour décrire la situation actuelle dans le monde arabe. Du « printemps arabe » aux « victoires du peuple », on assiste sur les plateaux télés et dans les médias à un véritable déferlement de naïveté et de niaiseries, dans le meilleur des cas, ou de mauvaise foi et d'aveuglement en règle générale. La palme revient bien évidemment à celui qui se voit déjà organiser la Fête de la musique au Caire, Jack Lang ; il nous a gratifiés d'une de ses envolées lyriques : « Bravo la jeunesse égyptienne. Par sa vaillance et son intelligence, elle a réussi à terrasser la dictature longtemps honnie, etc. » Après un non-stop médiatique sur la Tunisie, le pays est déjà passé dans les oubliettes plus vite que le séisme en Haïti. Il faut dire qu'on a du mal à expliquer que le « vent de liberté » qui souffle sur la Tunisie a porté 5.000 réfugiés sur les côtes italiennes et personne ne veut avouer que le pays est économiquement à l'arrêt et donc étranglé depuis plusieurs semaines.Même tarif pour l'Égypte après des journées de plans fixes aux JT sur la place Tahrir qu'on connaît mieux maintenant que la place de l'Étoile. La démocratie que salue notre bobo-béatitude s'appelle Mohammed Hussein Tantawi. 75 ans (« Bravo la jeunesse égyptienne ! »), ministre de la Défense et commandant en chef des Armées égyptiennes sous les ordres de Moubarak depuis 1991... !Avez-vous remarqué également qu'on ne dénonce les dictateurs arabes que 24 heures avant (Barack Obama) ou 24 heures après (Nicolas Sarkozy ou le PS) leur départ ? Pas un mot sur les dictateurs en place qui sont déstabilisés mais pas encore renversés. Pas une critique sur la Libye, la Syrie, ou l'Algérie... Attendons de voir. Mieux vaut tirer sur une ambulance que de défendre une vraie vision de la démocratie.Mais mon propos n'est pas politique. Il est simplement économique et financier. Je n'ai pas d'opinion, ni de vision sur l'avenir de cette « révolution ». Je ne sais pas, contrairement à ceux qui cultivent l'art de la divination « a posteriori », ce qui en sortira et je fais confiance, aussi peu que possible tout de même, aux spécialistes qui nous disent que l'avenir sera plus rose que le passé. Pour un investisseur financier, il y a cependant une certitude. Cynique mais réaliste. Le niveau de risque engendré par la situation dans les pays arabes a augmenté. Le marché du pétrole ne s'y est pas trompé. Il continue, jour après jour, à monter. Car la propagation de ce « souffle démocratique » déstabilise une région qui a été à l'origine de grandes crises économiques : des chocs pétroliers des années 1970 à la guerre d'Irak en passant par la révolution iranienne (elle aussi saluée à l'époque par le même concert de louanges) et la guerre du Koweït. Et la vague se rapproche des pays du Golfe. Depuis mercredi dernier, les manifestations se multiplient à Bahreïn et on commence à compter des victimes. L'armée a opéré une violente reprise en mains. On sent une extrême nervosité dans tous les Émirats du Golfe car l'opposition politique entre la rue et les gouvernements se double d'un affrontement entre un pouvoir sunnite et des populations à majorité chiite comme à Bahreïn. Et l'Iran n'est pas loin.Ce qui est très étrange, c'est que les marchés boursiers ne semblent pas préoccupés par la situation. Les indices boursiers dans tous les pays développés ou presque flirtent ou ont dépassé leurs niveaux préfaillite de Lehman Brothers (15 septembre 2008). Seuls signes d'un malaise, le pétrole au plus haut depuis trois ans, l'or au plus haut depuis cinq semaines et proche de son record absolu et le franc suisse qui n'en finit pas de jouer son rôle de monnaie refuge. Les investisseurs semblent décidés à se focaliser sur les bonnes nouvelles comme les résultats des entreprises ou les signes de reprise de la croissance mais veulent ignorer totalement les risques géopolitiques grandissants.Deux explications possibles : les investisseurs boursiers ont déjà finement analysé la situation dans le monde arabe et jugé qu'elle n'aura pas de conséquence négative sur l'économie. Ou les investisseurs sont aussi aveuglés par la naïveté environnante que nos professionnels du commentaire du « printemps arabe ». Réponse dans les jours qui viennent.
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