Le Japon entre dans l'ère de « l'autodiscipline »

Mariko était à bout. Cette employée de bureau dynamique ne supportait plus les tremblements de terre quotidiens, la psychose nucléaire et les alertes au tsunami. Elle, qui, jadis riait des secousses périodiques qui secouaient la ville, ne dormait plus depuis la catastrophe du 11 mars. Sa peau est encore couverte de marques de psoriasis dues au stress. Depuis peu, enfin, elle reprend doucement ses esprits. Ses taches de stress reculent. Elle fume moins.Mariko ressemble au Japon. Le pays souffle depuis quelques jours. Le rythme heure par heure de la crise il y a un mois a été remplacé par une gestion dans la durée de la reconstruction des zones dévastées par le tsunami et de la centrale nucléaire. Cette retombée de tension après l'adrénaline de la catastrophe est dure à supporter. « À la télévision, on nous encourage. Mais assez de ces encouragements ! Que savent-ils de nos jours ? », se demande Yuko, une jeune fleuriste de la ville d'Ishinomaki, ravagée, dont le beau-père et la boutique de fleurs ont été emportés par le tsunami. Les sans-abri (on en dénombre 150.000) qui dorment encore dans des refuges se sont installés dans un temporaire qui n'en finit plus, attendant que leurs lieux de vie soient déblayés. Ils seront d'abord relogés dans des habitations de fortune (le gouvernement en a prévu 150.000), avant que les travaux « en dur » commencent. Une première reconstruction de logements de fortune sera suivie par des habitations en dur.Seule l'industrie de la construction se frotte (discrètement) les mains. Le pays n'est pas sorti de l'ornière, ce qui a un effet dévastateur sur l'investissement et la consommation. Les Japonais se serrent la ceinture par vertu, estimant indécent de dépenser dans une période pareille. Grands amateurs d'expressions pour définir une époque, ils appellent celle d'aujourd'hui « jishuku » ou autodiscipline. Il leur en faut évidemment pour redresser leur économie. « Le tremblement de terre de Kobe en 1995 s'était produit à un moment où la dette publique atteignait 86 %. Celui du 11 mars a lieu à un moment où la dette publique atteint 200 % de PIB, soit un niveau jamais atteint dans l'histoire des hommes. Cela veut dire qu'il y a encore moins de flexibilité alors que nous savons que les dépenses vont augmenter », a résumé jeudi à Tokyo le secrétaire général de l'OCDE, Angel Gurria. Les dommages sur l'économie sont estimés entre 3,3 à 5,2 % du PIB sur l'année fiscale 2010 (qui a clôturé fin mars). Mais l'organisation souligne les nombreuses « incertitudes, comme la durée du rationnement de l'électricité, l'instabilité de la centrale nucléaire de Fukushima ». Toutefois « un ralentissement prolongé est peu probable » : l'OCDE s'attend à une croissance de 2,3 % dès 2012, après seulement 0,8 % cette année.Régis Arnaud, à Tokyo
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