« Deadline », un cri d'espoir

expositionLa mort. Rien que la mort. Une mort qui dit son nom avec vergogne, envahit tout, le corps et l'art. Et le provoque. Pourtant rien de mortifère et de funèbre dans cette présence. Au contraire, comme un dernier espoir, une ultime tentative de dire ce que l'on n'osait pas ou que l'on ne se permettait pas. Au-delà de la raison même. C'est ainsi que se présentent les douze artistes de l'exposition « Deadline », au musée d'Art moderne de la ville de Paris.Tous ont disparu dans ces vingt dernières années. Jeunes pour la plupart. Tels Martin Kippenberger, Willem de Kooning ou Gilles Aillaud. Dans cette mort annoncée avec laquelle ils vivent, ces artistes vont utiliser leur corps, leurs gestes pour crier leur douloureuse joie de vivre.Ce corps, très souvent, il se le réapproprie pour en faire leur unique modèle. C'est le cas de Kippenberger, de Chen Zhen ou de la photographe Hannah Villiger. Le premier, à travers une série sur « le Radeau de la Méduse », se photographie et se peint dans sa déchéance, jusqu'à ne montrer qu'un amas de chair disloquée ou retenir parfois un autoportrait dans l'agonie. Chen Zhen, lui, sculpte les organes internes dans une transparence qui les rend immatériels et Hannah Villiger ne peut braquer son objectif que sur ce qui la recouvre. Vagues de tissus qui sont comme autant de linceuls criards jusqu'à devenir séduction provocatrice.un entrelacs de traitsIl y a ensuite ceux qui pratiquent le silence comme James Lee Byars ou Gilles Aillaud. Le premier dans des tombeaux de feuilles d'or qui immortalisent les corps, le second par d'immenses cieux dans lesquels planent encore quelques oiseaux avant qu'ils ne soient déserts. Mais il y a surtout De Kooning enfermé dans une mémoire qui s'évanouit dans le temps. Muré dans son silence. Il trace sur d'immenses toiles l'essentiel des formes. Un entrelacs de traits dont la volupté étonne. La peinture dans ce qu'elle a de plus sensuelle. Le silence comme miroir à l'amour et à l'art.Dans cet épanouissement lascif s'inscrit aussi Joan Mitchell et ses griffes du désir dont elle recouvre ses toiles. Un cri de jouissance que l'on entend également chez Hartung, moins faste et plus tendu vers la noirceur. La synthèse de ces variations sur la mort vient peut-être du peintre et sculpteur Immendorff qui clôt l'exposition. Presque paralysé, il arrive encore à concevoir des compositions testamentaires qui interrogent l'histoire de l'art. Avec ses ?uvres ultimes, on touche à ce qui fait la beauté de l'art, un regard provoquant et désespéré qui nous empêche d'oublier. n Musée d'Art moderne de la ville de Paris, 11, avenue du Président-Wilson, 75116 Paris. Jusqu'au 10 janvier 2010. Catalogue : Éditions Paris Musées, 160 pages, 39 euros.
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