« La sortie de crise sera source de frictions franco-allemandes »

Jacques-Pierre gougeon, professeur d'université (*)Doit-on, avec l'Allemagne, parler de rapports ? ou de rapports de force ?En tout cas, les rapports de force sont pour bientôt. Si, après une phase de tensions, correspondant à la fin de la présidence allemande de l'Europe, en 2007, les relations s'étaient apaisées en 2008, les frictions pourraient réapparaître. C'est intéressant de voir qu'après des réticences allemandes sur le sauvetage des banques, les deux pays ont fait jeu commun au G20 de Londres sur la nécessité de réguler les marchés financiers. Mais là où il y aura sans doute désaccord, ce sera sur la sortie de crise. Pour la chancelière Angela Merkel, il est essentiel de retrouver l'équilibre des finances publiques. Le grand emprunt français, mal perçu outre-Rhin, ne va évidemment pas dans ce sens.Envisagez-vous d'autres sources de frictions ?Les négociations budgétaires européennes peuvent en être une. Elles débuteront en 2010, mais il est clair que l'Allemagne va rechigner sur la politique agricole commune (PAC). Avec 40 % du budget, la PAC, aux yeux des Allemands, happe trop d'argent européen. Par ailleurs, la politique méditerranéenne de la France reste mal vécue en Allemagne. Et si le dossier piétine, c'est aussi parce que Berlin ne fait rien pour le faire avancer ! Cette affaire constitue d'ailleurs une grave maladresse de la part de Paris?Justement, on a l'impression que la France a du mal à saisir le repositionnement de l'Allemagne dans le monde?C'est vrai, et c'est sans doute une question générationnelle. Pour certains diplomates et intellectuels français, la réunification représente un véritable traumatisme, puisqu'elle équivaut à une perte de pouvoir pour la France. Et alors que Berlin, décomplexé, a reconstruit un discours de puissance, la France a mal appréhendé la façon dont l'Allemagne se vit aujourd'hui en tant que grande puissance. Grande puissance économique, évidemment, comme l'illustrent ses performances commerciales et le niveau de son PIB. Mais les Allemands souhaitent désormais se positionner en tant que grande puissance politique, en revendiquant par exemple un siège permanent au Conseil de sécurité de l'ONU, démarche soutenue par la France. Mais la France a encore du mal à accepter le retour de cette puissance allemande aujourd'hui, d'autant que cette évolution stipule que Moscou et Washington sont des capitales incontournables, Paris moins. Cela dit, une nouvelle génération va émerger en France et les choses pourront évoluer. D'autant que la puissance allemande retrouvée est tout de même relative !Concrètement, quels axes de coopération voyez-vous entre les deux pays ?Tout ce qui concerne l'énergie renouvelable, secteur dans lequel l'Allemagne est en pointe, intéresse la France, qui y aurait intérêt. On peut aussi parler de recherche sur le cancer, entre l'université d'Heidelberg et le centre de Strasbourg. En fait, seul l'armement semble résister à des initiatives, les difficultés d'EADS étant encore prégnantes. Propos recueillis par Lysiane J. Baudu (*) Auteur de « L'Allemagne du XXIe siècle, une nouvelle nation ? » (Armand Colin, 2009).
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