Moscou le 23 septembre 1862. L'église du Kremlin est pleine à craquer pour célébrer les noces de Sophie Andreïevna Behrs, 18 ans, fille d'un médecin attaché au Palais impérial, avec le célèbre Léon Tolstoï, de 16 ans son aîné. Quarante-huit ans plus tard, l'écrivain se meurt après avoir fui le domicile conjugal, interdisant à sa femme de l'approcher pour lui faire ses adieux. Que s'est-il passé ? Pour le savoir, il faut lire « la Sonate à Kreutzer », de Léon, mais surtout « à qui la faute ? », la réponse de son épouse. Deux textes publiés ensemble (ce qui n'avait encore jamais été fait pour celui de Sophie) dans une excellente traduction de Christine Zeytounian-Beloüs. Pas facile de supporter Léon Tolstoï. Au fil des années, l'homme ne vit plus que pour ses convictions et souffre de ne pouvoir les conjuguer au quotidien. Il prône ainsi le végétarisme, la pauvreté et l'abstinence. Jusqu'à assimiler les femmes aux pires tentatrices, comme il le fait dans « la Sonate à Kreutzer » où le passager d'un train explique à son voisin pourquoi il a tué son épouse. Le texte est dense, parfois si délirant qu'on n'y comprend plus rien, mais surtout d'une misogynie insupportable. Sophie, à la fois secrétaire, copiste, dactylo et intendante de son mari à qui elle a consacré toute sa vie, reçoit violemment le livre. Et décide d'affronter ce dernier sur le terrain de l'écriture avec « à qui la faute ? ». Une histoire de couple lumineuse, d'un style aussi franc que limpide. Elle y raconte l'incompréhension entre les sexes, la jalousie des femmes arrivées vierges au mariage pour le passé déluré de leur mari, leur attachement quasi charnel à leur progéniture. Le livre n'a pas pris une ride. On ne peut pas en dire autant de « la Sonate à Kreutzer ».Editions Albin Michel, 333 pages,?19 euros.

latribune.fr

25 Août 2010, 23:27

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