Affaire Jean Sarkozy  :

oint de vue Grégoire tirot Auteur de « la France anti-jeunes » et membre de la commission en faveur de la jeunesseSi le renoncement de Jean Sarkozy à solliciter la présidence de l'Epad devrait dégonfler la polémique, le tollé provoqué par la possibilité même de son élection révèle le visage d'une France violemment anti-jeunes. Ce qui est étonnant dans cette réaction, c'est son ampleur. Car il n'y a là rien de neuf. On peut même affirmer que les dynasties politiques sont une tradition très bien ancrée dans la Ve République : le fils de De Gaulle, Philippe, fut sénateur entre 1986 et 2004 et le petit-fils Jean fut député entre 1986 et 2007 ; l'aîné de Valéry Giscard d'Estaing, Henri, devint conseiller général à 22 ans, tandis que Louis est député depuis 2002 ; le fils de François Mitterrand, Gilbert, devint député à l'âge de 32 ans. Pensons encore à la dynastie des Debré, plus proche de nous, à Marie Bové, 34 ans, fille de José Bové, pressentie pour prendre la tête de la liste Europe Écologie pour les régionales en Aquitaine.Quelle différence y a-t-il avec la situation que nous venons de connaître ? C'est que Jean Sarkozy, au-delà du fait qu'il soit le fils de son père, est un jeune. Or c'est bien connu, dans notre inconscient collectif, « un jeune vaut moins ». Et qu'un jeune veuille prendre le pouvoir est insupportable pour une grande partie de la classe politique qui considère ses mandats comme une rente due à l'ancienneté.Exemple : Damien Abad, jeune député européen du Nouveau Centre, élu en juin dernier à 29 ans et qui s'est dit intéressé pour être tête d'une liste commune avec l'UMP aux régionales dans la région Rhône-Alpes, vient d'essuyer les foudres de la prétendante UMP à cette place. Françoise Grossetête, 63 ans, l'a traité de « gamin de 29 ans parachuté et qui a tout à apprendre ». En réponse, le « gamin » a dénoncé le « racisme anti-jeunes » dont il a fait l'objet. En France, un jeune qui veut se lancer dans la politique a peu d'espoir de réussir : soit il hérite du fief familial comme sous l'Ancien Régime ; soit il a de la chance ? le « jeune » élu l'est très souvent « à l'insu de son plein gr頻 car posté en position logiquement inéligible, comme ce fut le cas pour la néo-députée européenne Karima Delli, 30  ans, en 4e position sur la liste Europe Ecologie d'Île-de-France, élue par surprise en juin dernier. Il n'y a que peu de place pour le talent et le mérite : seul l'âge compte.Et c'est là que le bât blesse : la classe politique française, traditionnellement âgée, glisse doucement vers ce que les sociologues Baudelot et Establet appellent la « gérontoclassie », prélude à la gérontocratie, ou le gouvernement du peuple par les anciens au profit des anciens. Les données sur l'évolution de l'âge moyen de nos élus nationaux et locaux sont sur ce point édifiantes : pour les maires des communes de plus de 3.500 habitants, 54 ans en 2001 contre 57 ans en 2008 (42 % des maires ont aujourd'hui plus de 60 ans) ; pour les sénateurs, 61 ans en 2001 contre 64 ans en 2008 (20 % ont plus de 70 ans) ; pour les députés, l'âge moyen a reculé d'un an entre 2002 et aujourd'hui (de 58 ans à 57 ans), mais ce chiffre cache le fait que le nombre total des plus de 55 ans est passé de 42 % à 60 %. La moyenne d'âge des députés européens sortants élus sur le sol français était en juin 2009 de 58 ans, avec pour doyen Jean-Marie Le Pen, 81 ans. Première conséquence : ce vieillissement de nos élus développe l'image déplorable selon laquelle la politique est de plus en plus un hobby de retraités. Seconde conséquence : ces statistiques démontrent de manière implacable que les jeunes générations sont très largement et anormalement exclues de la sphère politique et ne décident pas de leur avenir, les anciens s'en chargeant pour eux. La difficulté est que ceux qui président à l'avenir de notre pays ne l'ont plus devant eux, car, selon la formule célèbre de Gaston Berger, « la vieillesse, c'est le rétrécissement des possibles ». Cette vision rétrécie de l'avenir se traduit par des choix budgétaires qui privilégient le présent au détriment de l'avenir : c'est la revalorisation de 25 % d'ici à 2012 du minimum vieillesse et la promesse de créer une branche de la Sécurité sociale dédiée à la dépendance en 2010 ; aux jeunes en revanche, le CPE, les stages rémunérés au tiers du Smic et l'exclusion jusqu'à ce jour du RSA ; plus globalement, depuis 30 ans, c'est l'endettement public pour payer le train de vie d'un pays qui n'a que faire d'investir au profit des générations futures. Bref, à l'incompétence de la jeunesse répond l'usure du pouvoir. Pourquoi alors ne pas fixer une limite d'âge au-delà de laquelle un élu doit quitter ses fonctions ? C'est ce que souhaite le député du Nouveau Centre, François Rochebloine, qui a déposé une proposition de loi courageuse en décembre 2008 tendant à limiter à 68 ans l'âge des maires et des présidents des conseils généraux et régionaux. Dans ce cas, 17 présidents de région ne pourraient retrouver cette fonction en 2010 ou devraient démissionner au cours du prochain mandat. Concernant les présidents des conseils généraux, 20 % d'entre eux ont déjà atteint cette limite d'âge en 2009. Au final, l'« autre » scandale révélé par l'affaire Jean Sarkozy, c'est que la seule possibilité pour un jeune d'accéder aux responsabilités en France est d'être le fils du président de la République.
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