Sur les traces de Jan Van Eyck à Bruges

Van Eyck, Memling, Campin, Dürer... On a rarement vu une telle concentration de chefs-d'oeuvre. Signés des primitifs flamands et de leurs contemporains du centre et de l'est de l'Europe, leurs tableaux illuminent la nouvelle exposition du Groeningemuseum de Bruges, découverte à l'initiative de l'office de tourisme Belgique Flandres et Bruxelles. De quoi remonter aux sources de l'art moderne occidental, rappeler comment Jan Van Eyck porta la peinture à l'huile à son sommet. Tout en plongeant les visiteurs au coeur de l'effervescence artistique et économique de cette ancienne cité hanséatique au XVe et XVIe siècle. Alors, tant qu'à se choisir un guide pour parcourir aujourd'hui la ville et ses canaux, autant opter pour Van Eyck, son plus grand ambassadeur.L'homme, pourtant, n'y a pas vu le jour. Né en 1395 du côté de Maastricht, il y débarque en 1431 à la demande de Philippe le Bon, duc de Bourgogne, qui l'avait engagé comme valet de chambre et peintre de cour. En ce temps-là, un bras de mer (ensablé depuis 1604) se frayait un chemin jusqu'au centre de la ville. Ce port ? désormais transformé en placette baptisée Jan Van Eyckplein ?, permettait aux bateaux d'accoster et d'y décharger leurs marchandises. En témoigne, sur la rive droite, la maison des porte-faix au style néogothique. Impossible de la rater, c'est l'immeuble le plus étroit de la rue. De là, il faut s'engager dans la rue Genthof adjacente pour voir l'une des deux dernières maisons en bois du XVe siècle. C'est probablement dans l'une de ces habitations que Van Eyck installa son atelier. Et conçu cette technique qui devait faire sa gloire, minutieuse superposition de couches translucides capables de donner au tableau une profondeur chromatique sans égale mais aussi d'absorber la lumière sans l'éteindre pour mieux la réfléchir ensuite.Van Eyck n'était pas le seul étranger à s'établir durablement à Bruges. Au contraire. Des négociants d'Espagne ou d'Italie y élurent eux aussi domicile. Il suffit de jeter un oeil au nom des rues pour retrouver leur trace. Car de nombreuses artères portent encore pour nom la nationalité de leurs anciens habitants. La loge des Génois a été reconvertie en musée de la Frite. Face à lui, un restaurant italien a remplacé la loge des florentins.À quelques pas de là, carillonnent aujourd'hui encore les 47 cloches du beffroi achevé en 1486. Décédé en 1441, Van Eyck ne put malheureusement pas entendre ce « son doux » vanté ensuite par Rainer Maria Rilke. On l'enterra à l'église Saint-Donatien (détruite depuis) place du Burg. Une place unique où défilent sept siècles d'architecture inaugurés par la sublime basilique romane. Elle est accolée à l'hôtel de ville gothique aux côtés duquel l'ancienne administration judiciaire de style Renaissance brille de mille feux avec ses colonnades et ses bas-reliefs recouverts de feuilles d'or. Il fallait bien ensuite un bâtiment néo-classique pour ramener le Burg au calme architectural.Que reste-t-il de l'esprit de cette Bruges cosmopolite aujourd'hui ? Pas grand-chose si ce n'est les touristes qui s'y pressent chaque année. Mais à l'heure où certains Flamands cherchent à se replier sur eux-mêmes, peut-être faut-il convoquer le souvenir de cette cité ouverte aux autres, rayonnant sur le monde entier. Ce dont elle tira une inestimable richesse.
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