Shanghai  :  New York de 2020  ?

Pour Liu Zhen, jeune designer dans une start-up, la Bourse est de son propre aveu une addiction. La plupart de ses économies y passent. L'important pour lui n'est pas de gagner ni de perdre mais simplement de jouer. Il se félicite d'avoir un compte créditeur de 3.000 yuans cette année, soit presque un mois de salaire. Une somme qu'il compte réinvestir de suite. Ils sont des milliers comme lui à Shanghai : chauffeurs de taxi, étudiants, retraités, à guetter la prochaine valeur montante, scotchés aux écrans de la Bourse chaque minute de leur temps libre. Ce sont eux qui font et défont les bulles spéculatives typiques de la Bourse de Shanghai et qui ont projeté la place financière dans les toutes premières du monde en termes de transactions journalières. Déjà, elle déclasse Tokyo et Londres.L'annonce, en avril dernier, par le Conseil d'État de faire de Shanghai une place financière et un centre de transports internationaux d'ici à 2020 n'a surpris personne. C'était de fait la reconnaissance par Pékin du rayonnement croissant que prenait Shanghai dans le monde. Mais aussi le feu vert pour la ville de poursuivre ses réformes et d'apparaître plus que jamais comme la vitrine de la Chine moderne tant sur le plan de l'urbanisme que financier. La ville n'a certes pas attendu l'aval officiel du gouvernement central pour se moderniser. Cela fait déjà vingt ans qu'elle détruit, construit, creuse, et déplace des centaines de milliers de Shanghaiens d'un bout de la ville à l'autre dans le but de reprendre la place qui lui est due : celle d'une métropole du monde, d'une ville qui brille. En cela, l'Exposition universelle et ses 6.500 chantiers urbains ont permis de gagner dix ans d'urbanisation.Mais cela fait aussi vingt ans, depuis la réouverture de la Bourse de Shanghai en 1990 qu'elle cherche à redevenir un centre d'échanges, de communication, de services et pourquoi pas la première place financière du monde. « Shanghai a été le berceau de l'industrie chinoise. Aujourd'hui, la ville veut devenir une ville propre, une ville de services, de finance et de rencontres. C'est une véritable révolution pour nous », expliquait récemment Xu Bo, adjoint au commissaire de l'Exposition universelle, à la presse.Révolution certes au regard des chiffres. Shanghai en vingt ans est devenu non seulement une place boursière qui tend à détrôner Hong Kong mais aussi un véritable centre de transport. Le hub de Hongqiao, qui a inauguré l'agrandissement de son aéroport cette année, peut accueillir 139.000 personnes par jour grâce à un réseau routier, ferroviaire et aérien. Il faut aussi compter le port de Shanghai, premier au monde pour le vrac et deuxième pour les conteneurs, qui permet l'accès à tout le bassin du Yangtze.La ville a aussi bénéficié de 300 milliards de dollars américains d'investissements en cinq ans pour se refaire une beauté en vue d'accueillir les 70 millions de visiteurs attendus pour l'Exposition universelle. Et c'est là aussi que de plus en plus de centres Asie-Pacifique ou de R&D choisissent de s'installer pour ne citer que PSA ou Sanofi. « Le choix de Shanghai a été très simple », se rappelle Éric Apode, directeur du centre de design PSA installé à Shanghai fin 2008. « On voulait se rapprocher du marché. Shanghai est la capitale économique de la Chine. La ville est en plein boom. On profite en plus d'une main-d'oeuvre très qualifiée sur place. »Sur le plan financier, les réformes aussi vont bon train. Depuis un an, la Bourse de Shanghai a lancé des futures, des ventes à découvert et des comptes à terme. La ville attend impatiemment la création d'un « international board » d'ici la fin de l'année, avec déjà plusieurs candidatures affichées dont HSBC et Standard Chartered. « La possibilité pour les entreprises étrangères de se faire coter sur Shanghai serait un pas très important. Cela permettrait aux sociétés chinoises cotées à Hong Kong de revenir sur leur marché d'origine mais aussi aux sociétés étrangères de lever des fonds et de consolider leur image de marque en Chine », explique Erwin Sanft, directeur de recherche chez BNP Paribas basé à Hong Kong.Mais derrière les effets d'annonce, il reste encore beaucoup à faire pour que Shanghai rivalise sérieusement avec New York ou Londres. En termes d'attractions fiscale et juridique, Shanghai peine encore à attirer les talents de Hong Kong. Mais c'est surtout la fameuse question de la convertibilité de la monnaie qui freine l'appétit de Shanghai. « Tant que la prudence sur le contrôle des changes primera sur l'internationalisation de Shanghai, les ambitions de la ville resteront limitées », explique François Blanc, conseiller économique au consulat de Shanghai.Et pour l'instant, malgré son discours volontariste, Pékin ne semble pas prêt à agir sérieusement ni sur la convertibilité de la monnaie ni sur l'ouverture des comptes de capitaux. Il ne faut pas oublier que c'est la capitale et les régulateurs concernés qui dictent les réformes à Shanghai. La ville elle-même ne fait que suivre les directives, timides en matière de réformes monétaires. « Les mesures en ce sens sont minimes. On ne peut pas imaginer un centre de finance international sans la liberté de circulation des monnaies », selon Erwin Sanft chez BNP Paribas. « La clef est dans l'ouverture. Il faut que Shanghai puisse attirer des capitaux étrangers. » Aujourd'hui, les investissements étrangers dans la Bourse sont limités par un système de quotas (QFII) et les investisseurs chinois doivent passer par Hong Kong pour investir sur les Bourses étrangères. Les échanges en yuans ne représentent que 0,4 % des transactions monétaires mondiales.Mais des réformes sont en cours : HSBC peut désormais proposer à Hong Kong des obligations en yuans et cinq villes ont été nominées dont Shanghai pour faire des transactions à l'étranger dans la monnaie locale. Même s'il est difficile de quantifier ces réalisations, les réformes devraient continuer et Pékin ne cache pas sa volonté de faire, à terme, du yuan une monnaie de réserve.De l'avis des économistes, le potentiel pour faire de Shanghai une place internationale est gigantesque. Beaucoup d'entreprises ne sont pas encore cotées et l'émergence d'une classe moyenne n'en est qu'à ses débuts. « Shanghai deviendra naturellement un centre financier international. Les travaux sont en cours. Il faudra attendre dix ans, peut-être quinze. Mais le mouvement est lanc頻, conclut Pascal Sefrin, directeur général de la Société Généralecute; Générale à Shanghai.À Pékin, Virginie Mang
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