Transsibérien des écrivains : Oulan-Oudé et les steppes bouriates

À 4 heures du matin, la capitale de la république de Bouriatie (une fois et demie plus grande que la Grande-Bretagne) est plongée dans l'obscurité. Sur la place des Soviets, la tête de Lénine éclairée impressionne, non tant par sa beauté que par sa masse (c'est la plus grosse au monde). Située sur la route du thé (découverte en Chine il y a 5.000 ans, la boisson a été introduite à la cour du tsar au XVIIe siècle), Oulan-Oudé a prospéré du commerce des fourrures et des métaux précieux.Au monastère de Ivolguinskiy Datsan, que l'on visite dans le sens des aiguilles d'une montre, pour ne pas contrarier les divinités, le corps imputrescible du lama Chambo Itigilov Pandido attise la curiosité. Mort depuis soixante-dix ans, il serait conservé dans un état parfait ; les moines pensent qu'il poursuit son voyage spirituel dans un demi-sommeil, ses cheveux continueraient à pousser... Malheureusement, les prêtres n'autorisent pas les écrivains à vérifier ces affirmations de leurs propres yeux. En revanche, sur les autels, devant les divinités, ce sont de réelles bouteilles de vodka que l'on observe. Dans l'enceinte du monastère, mais aussi à proximité, des milliers de bouts de tissus, des « sergués », flottent au vent dans les arbres pour solliciter la bienveillance des esprits. Sont-ils chamanes ? Sont-ils bouddhistes ? À la croisée des religions, les Bouriates consultent aussi bien, et dans la même journée, le pope, le lama que le « boo », alias le chamane.La steppe se déploie, pelée, sublime, comme dans un roman de Joseph Kessel. Quelques vachers nomades guident les troupeaux dans la plaine ; les Zabaïkal, des poneys proches de la race mongole circulent en semi - ou complète - liberté. Robustes et résistants (au froid en particulier), ils fournissaient abondamment la cavalerie de l'empire. Du sommet d'une colline, on contemple le Selenga qui sinue dans la vallée verdoyante. Le fleuve coule depuis le coeur de la Mongolie pour se jeter dans le lac Baïkal, dans un delta de 546 km2. C'est une invitation à suspendre le temps.Sur les bords de la route qui mène au village de Tabargataï, les premières pousses émergent, vigoureuses, de la terre couleur d'ébène - elles ont peu de temps pour parvenir à maturité : dans trois mois, les grands froids reviennent.Les vieux croyants du village de Tabargataï vivent aujourd'hui encore avec leurs traditions, en particulier leur artisanat de peinture murale et de sculpture sur bois. Mais ils voyagent aussi dans le monde entier pour leurs chants polyphoniques. Les femmes en turbans et jupons, parées de colliers d'ambre brute (sublime, cinq ou six rangs, au moins trois kilos chacun) offrent la soupe et les beignets, chantent, dansent. Leur joie de vivre est sincère, communicative, on rit beaucoup, on participe bien sûr, mais, on l'avoue ensuite, l'écueil du piège à touristes menace. ? Demain : En quête de l'Amou
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